Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Une tendance au raccourcissement des délais à agir

Les délais pour saisir le Conseil de Prud’hommes ne sont pas illimités et varient selon la nature de la demande formée par le salarié, mais la tendance du législateur actuel serait plutôt de les réduire comme une peau de chagrin.

C’est particulièrement le cas du délai de contestation d’un licenciement qui est passé en une décennie de 5 ans à 12 mois… et on frémit à l’annonce d’un rapport parlementaire remis au Ministre de l’économie le 15 février 2024 qui envisagerait encore de le réduire de moitié.

L’ambiance est donc assez clairement orientée vers une limitation des droits d’agir des salariés et sous couvert de « faciliter la vie des entreprises », c’est principalement celle des employeurs qui s’en trouve facilitée…

Délai de contestation d’un licenciement pour motif personnel : 12 mois

L’article L 1471-1 du Code du travail prévoit dans sa version actuelle que « toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ».

Le salarié licencié qui souhaite contester son licenciement dispose donc d’un délai qui court à compter de la date de notification du licenciement.Le délai de l'action en paiement du salaire est de 3 ans

La jurisprudence considère que la date de notification de la rupture, point de départ du délai de prescription, est la date d’envoi au salarié par l’employeur de la lettre recommandée contenant la lettre de licenciement.

Cette date figure sur l’enveloppe remise au destinataire, ou qui a été présentée à son domicile en son absence ; on recommande donc de la conserver soigneusement à toutes fins utiles.

A l’autre extrémité, la date d’expiration du délai d’un an est la date de l’envoi par le salarié de la lettre recommandée contenant la requête saisissant le Conseil de Prud’hommes.

Précisons que ce délai de 12 mois est également applicable dans des conditions analogues à une action portant sur la prise d’acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail.

Délai de contestation d’un licenciement pour motif économique : 12 mois

Le Code du travail prévoit spécifiquement que le droit individuel du salarié à contester son licenciement pour motif économique se prescrit également par douze mois à compter de sa notification (article L 1235-7 du Code du travail).

Lorsque le salarié a adhéré au Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP), c’est la date de son adhésion qui marque le point de départ du délai (article L 1233-67 du Code du travail).

Il importe en outre de relever que la Cour de cassation applique aussi ce délai à l’action en contestation de l’ordre des licenciements, considérant que cette action est relative à la rupture du contrat de travail (Cass. Soc. 16 déc. 2020 n° 19-18322).

Enfin, l’action fondée sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l’absence ou de l’insuffisance d’un tel plan est aussi prescrite par 12 mois court à compter de la notification du licenciement (Cass. Soc. 2 déc. 2020 n° 19-17506).

Délai de contestation d’une rupture conventionnelle : 12 mois

Tout litige concernant la rupture conventionnelle doit être formé avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention (article L 1237-14 du Code du travail).

Ainsi qu’on l’a souvent souligné, les cas de recours pour obtenir l’annulation d’une rupture conventionnelle se limitent pour l’essentiel à la fraude ou au vice du consentement.

Les heures supplémentaires peuvent être demandées dans les trois années précédant la rupture du contratMais si le salarié ayant conclu une rupture conventionnelle dispose certes de moyens d’annulation limités, il conserve néanmoins la possibilité d’agir devant la juridiction prud’homale pour des demandes ne portant pas sur la rupture du contrat de travail.

Le paiement de sommes relatives à l’exécution de sa relation contractuelle (primes, bonus, indemnités…) peut donc être réclamé dans les limites de la prescription, de même que la réparation du préjudice subi par le salarié (en cas de harcèlement notamment).

Action portant sur l’exécution du contrat de travail : 2 ans

L’article L 1471-1 du Code du travail, que nous avons précédemment évoqué, dispose en outre que « toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ».

Les litiges relatifs à l’exécution du contrat de travail concernent une multitude de situations.

On citera entre autres, parmi les principales sources d’action contentieuses concernées par ce délai biennal :

  • Le remboursement des frais professionnels, ainsi que celui des indemnités de transport (Cass. Soc. 20 nov. 2019 n° 18-20208)
  • La demande en paiement d’une somme au titre de la participation aux résultats de l’entreprise (Cass. Soc. 13 avril 2023 n° 21-22455)
  • L’action en requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
  • L’action en requalification d’un emploi à temps partiel en travail à temps plein
  • La contestation d’une sanction disciplinaire (avertissement, mise à pied…)
  • La demande de paiement, ou en contestation du montant, de la clause de non-concurrence (après le départ effectif de l’entreprise)
  • La demande de dommages intérêts pour violation de l’obligation de sécurité par l’employeur

Action en paiement de rappel de salaire ou d’heures supplémentaires : 3 ans

L’action en paiement du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat (article L 3245-1 du Code du travail).

Ce délai d’action s’applique à toutes créances salariales.

La Cour de cassation a précisé que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible.

Pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré (Cass. Soc. 9 juin 2022 n° 20-16992).

Le salarié dispose de ce délai de trois ans pour demander le paiement à son employeur des heures supplémentaires qu’il a exécutées.

Cette prescription triennale s’applique en outre à toute action en paiement au titre du repos compensateur ou de la contrepartie obligatoire en repos.

Il a en outre jugé que l’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours était soumise à la prescription triennale (Cass. Soc. 30 juin 2021 n° 18-23932).

Action en réparation du harcèlement (moral ou sexuel) subi ou d’une discrimination : 5 ans

Cette action relève du délai de 5 ans qui constitue le droit commun en matière de responsabilité civile (article 2224 du Code civil), ainsi que du code du travail (article L 1134-5 du Code du travail).

Ainsi que nous l’avons signalé, le point de départ du délai de prescription est le jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (9 juin 2021 n° 19-21931).

Il a toutefois été précisé que ce point de départ, pour l’action en réparation du harcèlement moral (on peut supposer que le raisonnement soit transposable aux faits de harcèlement sexuel) ne peut être postérieur à la date de cessation du contrat de travail (Cass. Soc. 19 avril 2023 n° 21-24051).

Il convient enfin de relever que l’action en reconnaissance de la nullité de la rupture d’un contrat de travail en raison d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination alléguée (Cass. Soc. 17 mai 2023 n° 21-17315).

Mais lorsque la discrimination se poursuite de façon continue, le point de départ est reporté à la date à laquelle les faits ont cessé de produire leurs effets (Cass. Soc. 31 mars 2021 n° 19-22557).

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