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L’obligation de sécurité impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

L’obligation de sécurité, une obligation déterminante de la relation contractuelle entre le salarié et son employeur

La sécurité des salariés occupe une place centrale dans la relation de travail et constitue une obligation essentielle de l’employeur.

A ce titre, il est tenu, dans le cadre du contrat de travail qui le lie au salarié, d’une part, de prévenir et de limiter les risques professionnels, d’autre part, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés (articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail).

Cette obligation de sécurité impose à l’employeur d’agir de manière immédiate et effective à toute situation susceptible de porter atteinte à la santé et à la sécurité des salariés.

La jurisprudence considère au demeurant que la défaillance de l’employeur à l’obligation de sécurité constitue un grave manquement justifiant la rupture du contrat de travail à ses torts.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi pu juger que l’employeur, qui n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires, notamment préventives, pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale d’une salariée, commettait un manquement à son obligation de sécurité, suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. Soc. 6 janv. 2021 n° 19-17299).

La nécessité pour l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié

Dans un arrêt de principe, la Haute Juridiction avait débouté un salarié, chef de cabine à Air France, victime d’une crise de panique au moment de rejoindre son poste après les attentats du 11 septembre 2001 à New York, qui reprochait à son employeur de ne pas avoir respecté son obligation de sécurité.

Relevant que la Compagnie avait mis en œuvre une multitude de mesures pour prendre en charge préventivement l’ensemble du personnel, la Cour régulatrice en avait déduit l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Elle avait énoncé à cette occasion que : « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail » (Cass. Soc. 25 nov. 2015 n° 14-24444).

Rappel de cette obligation et charge de la preuve

Dans une nouvelle décision, la Chambre sociale de la Cour de cassation réaffirme ce principe et écarte le grief de manquement à l’obligation de prudence élémentaire qui était fait par l’employeur au salarié.

L’affaire concernait un salarié travaillant pour une association humanitaire à Haïti.Obligation de sécurité et manquement de l'employeur

Celui-ci critiquait son employeur pour ses mauvaises conditions de travail et d’hébergement et lui reprochait de lui avoir fourni un matériel défectueux de filtration de l’eau, ce qui avait été à l’origine d’une maladie tropicale qu’il avait contractée.

A la suite de cette maladie, le salarié avait été rapatrié en France puis licencié pour faute grave quelque temps plus tard.

Devant la juridiction prud’homale, sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité avait été rejetée.

Étonnement, les Juges du fond avaient retenu qu’il était notoire que l’eau de ville à Haïti n’était pas potable et qu’il convenait de boire de l’eau minérale en bouteille, de sorte que le salarié avait manqué à cette obligation de prudence élémentaire.

Cette motivation est censurée.

La Chambre sociale de la Cour de cassation considère au contraire que le manquement du salarié à l’obligation de prudence était inopérant, dès lors que l’employeur ne justifiait pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé (Cass. Soc. 15 nov. 2023 n° 22-17733).

Cette inversion de la charge de la preuve, qui pesait en l’espèce sur le seul salarié, ne pouvait prospérer, c’est à l’employeur de justifier qu’il a pris toutes les mesures nécessaires.

Y compris en matière d’accident du travail

La Cour régulatrice rappelle avec constance qu’en matière d’accident du travail, la charge de la preuve du respect de son obligation de sécurité incombe à l’employeur.

Ainsi, lorsqu’un salarié invoque un manquement de son employeur aux règles de prévention et de sécurité à l’origine de l’accident du travail dont il a été victime, il appartient à l’employeur de justifier avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié (Cass. soc. 28 fév. 2024 n° 22-15624).

L’obligation de sécurité de l’employeur couvre un grand nombre d’agissements portant atteinte à la santé physique ou mentale du salarié

Rappelons, de façon non exhaustive, qu’au titre de l’obligation de sécurité, l’employeur, informé d’agissements de harcèlement moral ou sexuel subis par un salarié, doit immédiatement agir pour les faire cesser.

C’est également sur ce fondement qu’il doit éviter l’existence de risques psycho-sociaux dans l’entreprise et de toute situation exposant le salarié à un risque pouvant générer un accident, et à plus raison les faire cesser lorsqu’il en a connaissance.

Les agressions subies par un salarié sur son lieu de travail imposent également à l’employeur d’agir sans délai pour y mettre un terme, et sanctionner leur auteur, au titre de l’obligation de sécurité.

Enfin, l’obligation de sécurité imposant la protection de la santé du salarié, il incombe en outre à l’employeur de justifier avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail.

Dans une récente décision, la Cour de cassation a également reconnu la responsabilité de l’employeur pour un manquement à son obligation de sécurité alors que bien qu’informé par un salarié de sa surcharge de travail et de ses conséquences sur son état de santé, il n’avait pris aucune mesure (Cass. Soc. 13 avril 2023 n° 21-20043).