Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Le paiement du salaire est mensuel

Le Code du travail prévoit que le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois, et ajoute, ce qui est moins connu, qu’un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle, est versé au salarié qui en fait la demande (article L 3242-1 du Code du travail).

Il en résulte que l’employeur doit rémunérer le salarié pour le travail qu’il exécute (au moins) une fois par mois.

Cependant, certains employeurs ont le détestable défaut de ne pas respecter cette échéance et de régler le salaire avec retard, retard pouvant se reproduire régulièrement.

Cette situation est évidemment préjudiciable au salarié, qui subit ce retard au détriment de ses propres engagements financiers (loyer, emprunts, courses…).

Comment réagir face à ce désagrément ?

Il convient de distinguer selon les causes de ce retard de paiement.

Situation économique délicate de l’entreprise

Lorsque le retard est dû à la situation économique de l’entreprise, qui est obérée au point qu’elle ne dispose pas de la trésorerie suffisante pour payer les salaires, la situation du salarié se résoudra probablement par l’ouverture d’une procédure collective à l’égard de l’employeur.

Cette procédure judiciaire (sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire) confère aux salariés le bénéfice d’un « privilège » légal sur le paiement de leurs salaires (articles L 3253-2 et suivants du Code du travail).

Elle mobilise en outre un organisme dédié connu sous l’acronyme d’AGS (Assurance Garantie des Salaires).

Les AGS (qui agissent par délégation de l’UNEDIC) avancent les fonds nécessaires au paiement des salaires, et le cas échéant des indemnités en souffrance, dans les limites fixées par le code du travail.

De sorte que le salarié peut se rassurer, il percevra in fine les salaires qui lui sont dus (même s’il n’est pas exclu qu’il doive composer avec un peu de retard…).

Employeur coutumier du fait, sans que l’entreprise connaisse de difficultés économiques

Certains employeurs n’ont guère de scrupule à payer leurs salariés en retard, alors même que l’entreprise ne connait pas de problème de trésorerie.

Une telle attitude caractérise au mieux une négligence (volontaire ou non), au pire une absence de considération pour les salariés, qui constituent pourtant les forces vives de l’entreprise.

Le salarié qui subit ces retards de paiement, parfois à répétition, est souvent démuni face à ce comportement intolérable.

Il est donc nécessaire de rappeler par écrit l’employeur à ses obligations, en commençant par lui envoyer un mail lui signalant sa défaillance, pour le cas où il n’en serait pas informé…Des retards de paiement peuvent justifier la prise d'acte par le salarié

Si cette interpellation est restée infructueuse, il sera alors nécessaire de lui envoyer une lettre recommandée, avec mise en demeure de régler le salaire sous huit jours.

La mise en demeure, qui doit être expressément mentionnée, a une importance à ne pas négliger car le Code civil dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure (article 1231-6).

De sorte que si le salarié saisit le Juge pour obtenir le paiement de ses salaires, la condamnation de l’employeur portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

Enfin, si cette étape n’a toujours pas été couronnée de succès, la saisine du Conseil de Prud’hommes, en référé, constitue l’ultime recours lorsque l’employeur persiste dans son absence de paiement.

Il s’agit d’une procédure permettant un traitement rapide du litige, pour laquelle l’assistance d’un avocat n’est pas indispensable.

Il est au demeurant fréquent qu’avant même la tenue de l’audience de référé, l’employeur règle enfin les salaires dont il restait redevable.

Preuve de paiement du salaire

Fut une époque pas si lointaine où il suffisait à l’employeur d’affirmer qu’il avait payé le salarié pour être cru, de sorte qu’il appartenait à ce dernier de démontrer que l’allégation de l’employeur était inexacte et qu’il n’avait pas exécuté son obligation de paiement.

La position du salarié était donc particulièrement inconfortable car, non content de ne pas avoir été payé, il lui incombait de prouver que l’employeur était défaillant.

A la faveur d’un revirement de jurisprudence, la Chambre sociale de la Cour de cassation juge désormais avec constance, et depuis 1999, que c’est à l’employeur de justifier, notamment par la production de pièces comptables, du paiement du salaire (Cass. Soc. 2 fév. 1999 n° 96-44798).

Plus largement, elle énonce que l’employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition (Cass. Soc. 23 oct. 2013 n° 12-14237).

Quelles conséquences tirer de retards de paiement répétitifs ?

Des retards de paiement, surtout lorsqu’ils présentent un caractère répétitif, constituent un grave manquement de l’employeur.

Or, lorsqu’un manquement de l’employeur est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, le salarié est fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail à ses torts.

La prise d’acte, qui produit un effet immédiat, est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse par la juridiction prud’homale lorsqu’elle est justifiée.

A cet égard, la jurisprudence considère que le paiement avec retard du salaire, réalisé à plusieurs reprises, justifie la prise d’acte.

Ainsi, un employeur s’était acquitté respectivement les 14 février 2013 et 14 juin 2013 du paiement des salaires des mois de janvier 2013 et mai 2013, le salarié ayant par la suite pris acte de la rupture de son contrat de travail.

La cour de cassation, constatant que l’employeur avait à plusieurs reprises sur une période de cinq mois, payé le salaire de l’intéressée avec retard, confirme que ce manquement était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. Soc. 30 mai 2018 n° 16-28127).

Cela étant, la prise d’acte constitue la dernière extrémité et il est vivement conseillé de prendre conseil auprès d’un avocat avant de s’engager dans cette aventure, qui peut comporter un risque.

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