Franc Muller – Avocat rupture conventionnelle, Paris

 

Un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention par l’administration

On ne soulignera jamais assez l’importance qu’occupent les délais en droit, et en droit du travail en particulier.

Ils conditionnent notamment la recevabilité de l’action d’une partie à un litige, de sorte que faute de les observer scrupuleusement, un salarié encourt le risque d’être privé de l’examen du litige l’opposant à un employeur.

La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 accorde un court délai aux salariés qui souhaitent agir en contestation de la rupture conventionnelle.

L’article L 1237-14 du Code du travail dispose en effet que « Tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil des prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention. »

Ce délai de 12 mois, ouvert au salarié afin de demander la nullité d’une rupture conventionnelle devant le Conseil de Prud’hommes, a ainsi pour point de départ la date d’homologation par l’administration, expresse ou tacite, de cette convention.

Nous avions déjà évoqué la rigueur avec laquelle la Chambre sociale de la Cour de cassation appliquait cette prescription.

En outre, s’il avait été initialement permis d’imaginer que les causes de nullité de la rupture conventionnelle seraient bénéfiques aux salariés, force est de constater qu’il a rapidement fallu déchanter.

La jurisprudence a, au contraire, une interprétation qui s’est révélée plus favorable aux employeurs, en admettant tout d’abord que l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affectait pas par elle-même la validité de la convention de rupture (Cass. Soc. 23 mai 2013 n° 12-13865).

Elle a, de surcroit, fait une application très stricte des causes de nullité, en les limitant à l’existence d’une fraude ou d’un vice du consentement, dont la preuve par le salarié peut être ardue à rapporter, et les illustrations sont bien rares.

Dans ce contexte cependant, une récente décision énonce que lorsqu’une fraude est caractérisée, elle a pour effet de reporter le point de départ du délai de 12 mois, de contestation de la validité de la rupture conventionnelle, au jour où celui qui l’invoque en a eu connaissance (Cass. Soc. 22 juin 2016 n° 15-16994).

Report du délai en cas de fraude de l’employeur

En l’espèce, un employeur qui avait mis en œuvre une procédure de licenciement collectif pour motif économique accompagnée d’une réduction des effectifs, avait préalablement conclu des ruptures conventionnelles avec des salariés de l’entreprise, et s’était gardé d’en informer le Comité d’entreprise.

Or, la jurisprudence considère que « lorsqu’elles ont une cause économique et s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l’une des modalités, les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l’employeur en matière de plan de sauvegarde de l’emploi » (Cass. Soc. 9 mars 2011 n° 10-11581).

En agissant comme il l’avait fait, l’employeur s’était notamment volontairement soustrait aux obligations qui s’imposaient en matière de Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE).

Le salarié soutenait en conséquence que le comportement de l’employeur était frauduleux et demandait à la juridiction prud’homale d’annuler la convention qu’il avait conclue.

Les Juges du fond n’avaient pas retenu son argumentation.

La Cour de cassation, sans revenir sur la solution rendue, édicte néanmoins deux règles à valeur de principe relativement à l’annulation d’une convention frauduleuse.

Si la fraude peut conduire à écarter la prescription d’un an prévue à l’article L 1237-14 du code du travail, c’est pour autant qu’elle ait eu pour finalité de permettre l’accomplissement de la prescription.

En d’autres termes, la fraude doit avoir eu pour finalité d’empêcher le salarié d’exercer son action dans le délai légal d’un an, le privant ainsi de son droit.

2° En outre, dans l’hypothèse où le Juge considérerait qu’elle est établie, la fraude a pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription prévu à l’article L 1237-14 du code du travail au jour où celui qui l’invoque en a eu connaissance.

Mais dans notre affaire, le salarié avait tardé à agir et avait intenté son action plus de deux ans après avoir eu connaissance de la fraude qu’il prêtait à son employeur, de sorte que son action ne pouvait prospérer.

Il importe donc de conserver à l’esprit qu’une contestation est enfermée dans un délai précis et qu’il est, de ce fait, préférable d’agir avec diligence.

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