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Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

La prise d’acte est justifiée en cas de graves manquements de l’employeur

La prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié, qui reproche à son employeur de graves manquements.

Si les Juges considèrent qu’elle est justifiée, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié se voit allouer des dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que le cas échéant, une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc 20 janvier 2010, n° 08-43476).

En revanche, s’ils considèrent que la prise d’acte n’était pas justifiée, soit parce que les manquements imputés à l’employeur n’étaient pas fondés, soit parce qu’ils n’étaient pas suffisamment graves, la prise d’acte produit les effets d’une démission, ce qui peut avoir pour conséquence que le salarié qui a quitté son emploi immédiatement, sans avoir effectué de préavis, doit être condamné à payer à son employeur une indemnité correspondant au préavis non effectué.

La prise d’acte a été consacrée par la Cour de cassation il y a moins de 10 ans (Cass. Soc. 25 juin 2003, n° 01-42335), et la jurisprudence en affine les contours au fil des décisions.

On savait déjà, notamment, qu’elle était justifiée lorsque l’employeur ne rémunère pas au salarié les heures supplémentaires qu’il a effectué, ou lorsque l’employeur contrevient à son obligation de sécurité, de même qu’en cas de modification unilatérale de la rémunération contractuelle du salarié par l’employeur.

Exemple de décisions justifiant une prise d’acte

Deux décisions récentes nous éclairent encore davantage sur les faits qui légitiment une prise d’acte.

Ainsi, dans une première affaire, une salariée reprochait à son employeur de ne pas avoir remédié à une situation conflictuelle qui l’avait opposé à sa supérieure hiérarchique pendant plusieurs années, alors qu’il en était informé.

C’est à bon droit que la salariée a agi, ont estimé les Hauts magistrats, qui ont considéré que l’employeur avait laissé perdurer un conflit sans lui apporter de solution et que ce manquement était suffisamment grave pour justifier la prise d’acte de la rupture (Cass. soc. 17 octobre 2012, n° 11-18208).

Cette décision est d’autant plus intéressante que la salariée n’invoquait pas de harcèlement moral à son égard ; c’est véritablement l’inertie de l’employeur face à un conflit aigu qui est ici sanctionnée.

Dans une deuxième affaire, le salarié avait travaillé pendant une période continue sans prendre de repos week-end compris, après avoir dû participer à un salon professionnel et avait pris acte de la rupture de son contrat de travail pour ce fait.

La Cour d’appel l’en avait débouté, jugeant que le salarié avait bénéficié d’un repos compensateur, de sorte que le non-respect par l’employeur des dispositions légales relatives au repos hebdomadaire présentait un caractère isolé, qui ne justifiait pas une prise d’acte.

La Cour de cassation a censuré ce raisonnement, le non-respect par l’employeur des dispositions relatives au repos hebdomadaire avait nécessairement causé un préjudice au salarié sur le plan de la santé, compte tenu de la durée de son travail continu au sein du salon professionnel, et que la prise d’acte était ainsi justifiée (Cass. soc 31 ocot. 2012 n° 11-20136).

Il est intéressant de noter que le droit à la santé revêt pour les Juges une importance fondamentale, en particulier depuis 2011, lorsque la Cour de cassation avait posé en principe que « le droit à la santé et au repos sont au nombre des exigences constitutionnelles » (soc. 29 juin 2011 n° 09-71107).

Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

La vie en entreprise n’est pas toujours une partie de plaisir, elle peut aussi être source de situations conflictuelles. Singulièrement, lorsque l’employeur ne respecte pas ses engagements, par exemple en refusant de payer un bonus qui est dû, en modifiant unilatéralement la rémunération, en se livrant à un harcèlement moral…

Le salarié victime de ces graves manquements est fondé, dans ces circonstances, à « prendre acte » de la rupture de son contrat de travail. Il suffit pour ce faire d’adresser, ou de faire adresser par son avocat, une lettre exposant les griefs imputés à l’employeur.
Cette prise d’acte produit alors un effet immédiat. Ce qui signifie que le contrat de travail prend fin à la date de réception par l’employeur de cette lettre, sans que le salarié soit tenu d’exécuter son préavis.

En outre, la prise d’acte, lorsqu’elle est considérée comme légitime par le Conseil de Prud’hommes, produit les effets d’un licenciement injustifié. De telle sorte que l’employeur sera condamné à payer au salarié : des dommages intérêts, une indemnité de licenciement (si le salarié a plus d’un an d’ancienneté), ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis.

Mais la médaille peut aussi comporter son revers. En effet, si le Conseil de Prud’hommes estime que la prise d’acte n’était pas justifiée, soit parce que les manquements reprochés à l’employeur étaient infondés, soit parce qu’ils n’étaient pas suffisamment graves, le salarié devra payer à son employeur une indemnité compensatrice de préavis. C’est la solution qui vient d’être adoptée par la Cour de cassation (chb. sociale 8 juin 2011, n° 09-43208), afin probablement de dissuader les plaideurs trop téméraires…