Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Le Contrat de Sécurisation Professionnelle : de quoi s’agit-il ?

La rupture du contrat de travail pour motif économique se décline selon deux modalités : un licenciement pour motif économique « sec », ou un dispositif d’accompagnement du salarié comportant une aide au reclassement destinée à faciliter son retour à l’emploi.

Ce dernier prend la forme du Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) dans les entreprises ou les groupes comptant moins de 1000 salariés, ou d’un congé de reclassement lorsque le salarié travaille dans une entreprise comptant au moins 1000 salariés ou appartenant à un groupe totalisant cet effectif.

Le Contrat de Sécurisation Professionnelle (auquel nous limiterons nos observations) est proposé au salarié lors de l’entretien préalable.

L’employeur lui remet, de manière individuelle et par écrit, un document de présentation du CSP, lui détaillant ce dispositif.

L’intéressé dispose alors d’un délai de 21 jours pour accepter ou refuser d’y adhérer.

Si le salarié accepte le Contrat de Sécurisation Professionnelle, le contrat de travail est réputé rompu du commun accord des parties à la date d’expiration du délai de réflexion, selon les termes de la dernière convention gouvernant son mécanisme.

Le salarié n’exécute donc pas de préavis, il quitte l’entreprise aussitôt après avoir adhéré au CSP.

Il bénéficie pendant une durée d’un an d’une allocation de sécurisation professionnelle égale à 75 % de son salaire de référence, supérieure à l’allocation de remplacement (ARE) à laquelle donne droit le licenciement pour motif économique (qui est de 57 %).

Quel est le délai d’énonciation du motif économique de rupture du contrat de travail ?

La jurisprudence considère que la rupture du contrat de travail résultant de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse.

Il incombe donc à l’employeur d’invoquer, et de justifier, de l’existence d’une des quatre causes économiques prévues par le Code du travail : difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, ou cessation d’activité de l’entreprise (article L 1233-3 du Code du travail).l'employeur doit informer le salarié de la cause économique de licenciement

Précisons qu’outre l’énonciation d’une cause économique de licenciement, il doit aussi, préalablement à la rupture du contrat de travail, se livrer à une recherche de reclassement du salarié dans l’entreprise.

L’employeur doit donc remettre au salarié un document écrit lui indiquant la cause économique à l’origine de son licenciement dans un délai déterminé.

La Chambre sociale de la Cour de cassation juge que l’employeur est tenu d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat :

soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement,

soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement, conformément aux exigences du Code du travail.

soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation (Cass. Soc. 22 sept. 2015 n° 14-16218).

A défaut, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Exemples « d’informations » adressées par l’employeur au salarié dépourvues de validité

La jurisprudence se montre globalement très accommodante à l’égard des écrits constituant une information suffisante du salarié avant son acceptation du CSP.

C’est ainsi qu’elle a notamment pu juger qu’un mail adressé au salarié, comportant le compte-rendu d’une réunion avec un délégué du personnel relative à son licenciement pour motif économique envisagé, satisfaisait à l’obligation de l’employeur d’informer le salarié dans le délai requis (Cass. Soc. 13 juin 2018 n° 16-17865).

En revanche, il a été jugé que le compte-rendu d’entretien préalable établi par le conseiller de la salariée, qui n’émanait pas de l’employeur et dont il n’était pas démontré qu’il eût été remis à l’intéressée au plus tard à la date de son acceptation du CSP, privait le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 28 sept 2022 n° 21-12637).

La haute juridiction a également réfuté toute valeur informative à une mail de contestation adressé par un salarié à son employeur, qu’une Cour d’appel avait étonnement retenu.

L’affaire concernait un salarié convoqué par lettre en date du 9 février 2018 à un entretien préalable fixé au 19 février suivant, et ayant adhéré au CSP le 23 février 2018.

Il avait ensuite envoyé un mail à son employeur, le 9 mars 2018, dans lequel il lui écrivait, en se référant à l’entretien préalable qui avait eu lieu : « vous m’avez précisé que vous n’aviez identifié aucune possibilité de reclassement. Il n’a été question que des bilans comptables du cabinet et non de l’organisation du travail. C’est sur la base de ces indications que, le 23 février 2018, j’ai adhéré au contrat de sécurisation professionnelle ».

La Cour d’appel avait, très étonnement, estimé que l’intéressé était ainsi suffisamment informé des motifs économiques invoqués par son employeur pour rompre son contrat de travail avant d’adhérer au CSP.

Décision heureusement cassée car ce courriel ne caractérisait pas l’écrit exigé énonçant un motif de licenciement remis ou adressé par l’employeur au salarié au plus tard au moment de l’acceptation du CSP (Cass. Soc. 28 sept. 2022 n° 21-18289).

Dernière décision et précision de la Cour de cassation

Une salariée est convoquée le 21 octobre 2015 à un entretien préalable en vue d’un licenciement économique fixé au 29 octobre 2015, au cours duquel un contrat de sécurisation professionnelle lui est proposé.

Elle adresse à son employeur, par lettre du 6 novembre 2015, le bulletin d’acceptation au dispositif du CSP.

Celui-ci lui notifie les motifs économiques de la rupture le 9 novembre 2015, en lui précisant qu’en cas de refus du CSP, cette lettre constituerait la notification de son licenciement.

La salariée conteste la légitimité de la rupture de son contrat de travail devant la juridiction prud’homale, estimant que cette information est trop tardive.

La Cour d’appel la déboute, jugeant qu’elle avait bénéficié d’une information orale lors de l’entretien préalable et que la lettre de licenciement lui avait été envoyée avant l’envoi du dossier complet d’adhésion du CSP avait été envoyé, soit le 18 novembre 2015 de sorte qu’elle était valable.

Cette motivation est censurée par la Chambre sociale de la Cour de cassation.

La cour régulatrice juge que c’est la date d’adhésion de la salariée au CSP, le 6 novembre 2015, au moment où elle avait signé le bulletin d’acceptation et l’avait adressé à son employeur, qui prévaut, et non celle, postérieure, d’envoi du dossier d’adhésion à pôle emploi, le 18 novembre 2015 (Cass. Soc. 18 janv. 2023 n° 21-19349).

Le licenciement de la salariée était en conséquence sans cause réelle et sérieuse.

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