Écartelés entre un employeur qui les trouve trop vieux, trop chers, pas assez malléables, à l’affût du moindre écart pour les congédier en invoquant une insuffisance professionnelle…. et une réforme des retraites qui a repoussé l’âge de départ à la retraite de deux ans … Le chemin pour une fin de carrière paisible s’apparente à un parcours d’obstacles !
Il est toujours très risqué pour un salarié de faire connaître à l’extérieur des informations concernant son entreprise, plus encore lorsqu’il s’agit de dénoncer de graves dysfonctionnements qu’il y a constatés. Mais un salarié vertueux, lassé d’assister à des agissements que la morale et l’éthique réprouvent, parvient parfois difficilement à s’accommoder de ces pratiques litigieuses et peut désespérer des gaspillages et dépenses injustifiées, voire s’offusquer d’avantages que s’accordent indument des privilégiés.
Les situations permettant au salarié licencié de bénéficier d’une indemnité qui échappe aux fourches caudines du barème Macron sont assez limitées. Elles le sont d’autant plus que la Cour de cassation a récemment affirmé la validité de ce barème et sa compatibilité avec l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (l’OIT), refermant ainsi une ouverture qui avait pu susciter quelque espoir (Cass. Soc. 11 mai 2022 n° 21-14490).
La liberté d’expression connaît incontestablement des limites dans l’entreprise où elle est encore loin de s’exercer dans sa plénitude, ainsi que viennent douloureusement de le rappeler de récentes décisions relatives à l’exercice individuel et collectif de ce droit par des salariés. La liberté d’expression individuelle du salarié La liberté d’expression est protégée par les normes juridiques les plus élevées en droit interne et international (Constitution, déclaration des droits de l’Homme, Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, Charte des Droits fondamentaux…), ce qui lui assure en principe un degré élevé de protection.
La liberté d’expression se paie chèrement pour les salariés qui osent porter à la connaissance de l’employeur sans fard et en termes directs les graves dysfonctionnements qu’ils ont relevés dans l’exercice de leurs fonctions. Elle est alors perçue comme une opposition inadmissible à l’omnipotence de l’employeur et l’impudent risque d’être sanctionné par un licenciement, pour faute grave, qui se traduit par un départ immédiat de l’entreprise, sans préavis ni indemnité de licenciement. La liberté d’expression constitue pourtant une liberté fondamentale, consacrée par les plus hautes normes juridiques nationales et internationales (article 11 de la Constitution, article 10 de la CEDH…) et considérée comme l’un des fondements de la société démocratique.
Assurément non… A plus forte raison lorsqu’il est lié à son employeur par un contrat de travail renvoyant à une Charte imposant notamment « le respect des droits de la personne », dont il est prévu que la violation sera sanctionnée par une rupture immédiate du contrat de travail. Telle est l’affirmation qui se dégage d’un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation confirmant le bienfondé du licenciement pour faute grave de l’humoriste « Tex ».
Si la liberté d’expression est la règle dans l’entreprise, dans les faits celle-ci est loin d’être absolue. L’expérience montre en effet que lorsqu’un salarié s’exprime trop librement et qu’il se heurte frontalement à l’employeur, celui-ci y répond fréquemment en faisant usage de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner l’intéressé, dont les jours dans l’entreprise sont dès lors comptés. L’expression d’une opposition à l’employeur, qui ne s’accommode guère d’une résistance à son pouvoir de direction, le conduit habituellement à procéder au licenciement du gêneur, parfois des mois plus tard et pour un motif étranger à ce qu’il lui reproche réellement.
Une nouvelle immixtion de la sphère religieuse dans la relation de travail donne à la Chambre sociale de la Cour de cassation l’occasion de réaffirmer une jurisprudence qui est déjà solidement établie. On se souvient que le droit européen a largement influencé le droit positif, d’abord en inspirant l’introduction d’un nouvel article dans le Code du travail, prévoyant que le règlement intérieur de l’entreprise pouvait contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant en conséquence la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché (article L 1321-2-1 du Code du travail).
Certaines affaires relèvent de la saga judiciaire et font l’objet de rebondissements procéduraux qui ont pour conséquence, après moult revirements, d’apporter une solution à un litige qui paraissait d’une confondante simplicité, plus d’une décennie après que le salarié ait introduit son action devant la juridiction prud’homale. C’est l’illustration d’un temps judiciaire suspendu, au rythme ralenti, et l’ignorance que derrière chaque dossier aux délais interminables se tient un justiciable qui attend, souvent dans l’angoisse et l’incompréhension, une issue qu’il espère heureuse…
Le législateur de 2010 a interdit dans l’espace public le port d’une tenue destinée à dissimuler son visage (article 1 loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010) Une telle restriction n’existe cependant pas dans l’espace privé, auquel appartient l’entreprise, qui reste placé sous l’autorité de l’employeur. La Chambre sociale de la Cour de cassation a donc forgé sa jurisprudence