Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Le licenciement impose des conditions de fond et de forme précises

Certaines règles protectrices des droits des salariés ont heureusement encore la vie dure…

Bien que cette protection ait été substantiellement grignotée par les Ordonnances Macron de 2017, il n’est pas inutile de rappeler que le formalisme exigé par le Code du travail n’est pas un vain mot et que l’employeur négligent en supportera les conséquences.

Des exigences de forme et de fond s’appliquent en particulier à l’employeur qui envisage de procéder au licenciement pour motif personnel d’un salarié.

La Chambre sociale de la Cour de cassation considère en effet de longue date que l’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail, ou qui le considère comme rompu du fait du salarié, doit mettre en œuvre la procédure de licenciement ; à défaut, la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 25 juin 2003 n° 01-40235).

La même sanction est attachée au licenciement verbal, qui méconnait nécessairement l’accomplissement de la procédure de licenciement (Cass. soc. 23 oct. 2019 n° 17-28800).

Cette procédure débute par la convocation du salarié à un entretien préalable (article L 1232-2 du Code du travail), au cours duquel l’employeur lui expose les faits qui lui sont reprochés et recueille ses explications (article L 1232-3).

La lettre de licenciement ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la tenue de l’entretien préalable.

La lettre de licenciement doit comporter l’énoncé d’un motif de licenciement précis et matériellement vérifiables

L’énonciation des motifs de licenciement dans la lettre de rupture est indispensable pour permettre au Juge d’apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement (Cass. Soc. 12 janv. 2011 n° 09-41904).

En conséquence, il est établi que l’absence d’énonciation d’un motif précis dans la lettre de licenciement équivaut à une absence de motivation et prive le licenciement de validité (Cass. Soc. 17 janv 2006 n° 04-40740).

Mais cette jurisprudence est mise à mal par les dispositions issues de l’Ordonnance Macron du 20 décembre 2017, qui permettent de sauver l’employeur du naufrage.

Désormais, en cas d’imprécision de la lettre, le salarié peut demander à l’employeur des précisions sur ses motifs dans les 15 jours suivant sa notification (article R 1232-13 du code du travail).

S’il néglige de le faire, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire (article L 1235-2 du Code du travail).

La sanction est ainsi considérablement réduite.notification licenciement

Il n’en demeure pas moins qu’en tout état de cause, l’employeur doit énoncer un motif de licenciement, qu’il porte à la connaissance du salarié par écrit.

C’est cette obligation que vient de rappeler la Haute juridiction dans une affaire où une Cour d’appel avait ouvert la voie à une solution qui aurait pu être lourde de conséquence pour les salariés.

En l’absence de lettre de licenciement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

Un salarié est victime d’un accident de travail et placé en arrêt de travail.

Quelques mois plus tard, alors qu’il est toujours en arrêt de travail, son employeur cesse défintivement son activité et est radié du registre des métiers.

Le salarié est licencié, de fait, par la remise des documents de rupture (certificat de travail, attestation destinée à pôle emploi), sans que l’employeur ait engagé de procédure de licenciement, ni évidemment, qu’il lui ait notifié un motif de son licenciement.

Le salarié conteste le bienfondé de la rupture de son contrat de travail, soutenant qu’aucun motif précis de licenciement ne lui a été communiqué par l’employeur, pour la bonne raison qu’il n’a pas reçu de lettre de licenciement !

Étonnement, la Cour d’appel d’Amiens ne s’embarrasse pas de cet argument et déboute le salarié.

Elle retient, par une interprétation très extensive de l’article L 1226-9 du Code du travail, que la cessation d’activité de l’entreprise caractérise l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou la maladie, et que le licenciement du salarié est donc justifié.

La Chambre sociale de la Cour de cassation ne partage heureusement pas cette appréciation et recadre les juges d’appel en revenant à la solution orthodoxe, jugeant que le contrat de travail avait été rompu à l’initiative de l’employeur, sans qu’aucune lettre de licenciement n’ait été adressée au salarié, de sorte que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 8 sept. 2021 n° 20-16889).

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