Le salarié qui souhaite engager une action contre son employeur devant le Conseil de Prud’hommes, quelle qu’en soit la nature (contestation de la rupture de son contrat de travail, harcèlement, paiement d’heures supplémentaires ou de primes, etc….), doit impérativement produire des pièces au soutien de ses demandes. Cette affirmation, qui peut paraitre une évidence, requiert néanmoins du salarié qu’il dispose de pièces et qu’il ne se lance pas dans une telle démarche les mains vides, au risque probable d’un échec.
Le salarié qui est victime d’un harcèlement moral commis par son responsable hiérarchique, un autre salarié de l’entreprise, ou par son dirigeant, et qui souhaite engager une action judiciaire, doit réunir des éléments probants pour justifier de cette situation. Ces éléments sont peut-être ceux qui lui avaient été demandés par les Ressources Humaines après qu’il se soit plaint auprès d’eux du harcèlement moral subi, pour aboutir finalement à une enquête dont les conclusions, contestables, se sont révélées négatives.
Dans le procès prud’homal, la preuve des faits litigieux tient une place décisive. C’est particulièrement vrai dans le cas d’un licenciement, l’employeur invoquant des manquements, ou une faute, du salarié justifiant son éviction de l’entreprise. Quand le salarié conteste son licenciement, deux types d’interrogation se posent.
Les modes de preuve en matière de droit du travail ont connu dernièrement une évolution très sensible, pour le meilleur comme pour le pire. D’une part en effet, la jurisprudence reconnaît enfin à un salarié, qui se trouve dans un rapport de force déséquilibré par rapport à son employeur, la possibilité de produire comme élément de preuve, sous certaines conditions, l’enregistrement qu’il a réalisé à son insu dans le litige qui les oppose.
Le droit de la preuve connaît actuellement une évolution notable en droit du travail, la Cour de cassation entrouvrant parcimonieusement la possibilité aux plaideurs d’avoir recours à des moyens qui leur étaient jusqu’à présent refusés. En matière prud’homale, la preuve est libre ; le juge appréciant souverainement la valeur et la portée des moyen de preuve qui lui sont soumis (Cass. soc. 27 mars 2001 n° 98-44666). Pour autant, la loyauté imposait en effet aux parties de ne pas utiliser comme moyen de preuve, dans le litige qui les opposait devant la juridiction prud’homale, de dispositif clandestin tel qu’un enregistrement téléphonique dissimulé.
Il est souvent difficile pour un salarié malmené par son employeur et/ou victime de discrimination d’en rapporter la preuve. L’égalité des armes constitue dans l’entreprise une illusion, le salarié étant habituellement fort démuni pour établir les malversations dont il est victime. A de rares exception près, l’employeur se montrera d’une prudence de sioux et fera en sorte de ne laisser aucune trace écrite de ses agissements, en particulier aucun mail.
Le recours par l’employeur à un mode de preuve illicite lui interdit de se prévaloir de la reconnaissance par le salarié des faits fautifs qui lui sont reprochés, il s’agissait en l’occurrence d’un vol, pour le licencier. Si la solution n’est pas inédite, les circonstances particulières de cette affaire méritent que l’on s’y arrête. L’employeur, qui exploitait un café restaurant, avait licencié une salariée pour faute grave, au motif qu’il aurait découvert qu’elle avait détourné de l’argent en empochant le prix de consommations qu’elle n’avait pas enregistré en caisse, et qu’elle avait servi gratuitement des consommations à des clients sans y avoir été préalablement autorisée par son employeur.
Un mail peut-il valablement constituer un moyen de preuve dans le cadre d’un litige prud’homal ? Les courriers électroniques étant très fréquemment utilisés en la matière, on portera une attention particulière à la réponse qu’y a une nouvelle fois apportée la Cour de cassation. Il convient tout d’abord de préciser que le Code civil, qui régit le droit commun, prévoit que la preuve d’un écrit électronique obéit à des conditions précises. La validité d’un écrit électronique implique en effet la nécessité d’identifier la personne dont il émane, et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité (article 1316-1 du Code civil).
a Cour de cassation a rendu un arrêt de principe, en écartant pour la première fois la règle précitée et en jugeant que dans les domaines où les seuils et plafonds sont prévus par le droit de l’Union Européenne, c’est à l’employeur, et à lui seul, qu’incombe la charge de la preuve (Cass. soc 17 octobre 2012 n° 10-17370).
En matière prud’homale, la preuve est libre et le Juge en apprécie librement la valeur et la portée (Cass. soc 27 mars 2001 n° 98-44666). Pour autant, l’employeur peut-il utiliser tout mode de preuve, y compris une filature ou le recours à un stratagème, pour sanctionner un salarié ? Depuis plus de vingt ans, la jurisprudence apporte une réponse jamais démentie : l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail, mais tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à l’insu des salariés constitue un mode de preuve illicite (arrêt Néocel, 20 nov. 1991, n° 88-43120).