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La consultation du CSE en l’absence de proposition de reclassement du salarié ayant fait l’objet d’un avis d’inaptitude

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La recherche de reclassement, une obligation déterminante qui s’impose à l’employeur

La déclaration d’inaptitude par le médecin du travail ouvre une période au cours de laquelle l’employeur doit se livrer à une recherche de reclassement du salarié dans l’entreprise, et le cas échéant, dans le groupe auquel elle appartient.

Cette exigence ne cède que devant la mention expresse par le médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En conséquence, sauf lorsque l’avis du médecin du travail comporte l’une de ces deux mentions, la recherche loyale et sérieuse de reclassement par l’employeur constitue une obligation déterminante.

En pratique toutefois, on constate fréquemment le peu d’appétence des employeurs pour conserver à leur service des salariés ayant fait l’objet d’un avis d’inaptitude.

Mais, bien conscient qu’un manquement à cette obligation l’expose à voir le licenciement invalidé, l’employeur déploie habituellement des trésors d’imagination pour prétendre avoir procédé à des recherches, qui, faut-il s’en étonner, se sont révélées infructueuses.

L’étape suivante est celle de la consultation du CSE.

La consultation du CSE, une étape obligatoire

L’employeur doit informer le CSE du résultat de ses recherches et recueillir son avis, celui-ci étant consultatif.

Cette exigence, qui ne s’appliquait initialement qu’aux salariés déclarés inaptes à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, a été étendue par la loi Travail du 8 août 2016 aux salariés dont l’inaptitude est d’origine non professionnelle.

L’avis du CSE doit être recueilli avant que l’employeur engage la procédure de licenciement et après avoir fourni à ces représentants du personnel une information nécessaire.

Il ne s’agit pas d’une formalité anodine, son absence prive le licenciement de validité et peut être sanctionnée, pour les seuls salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, à une indemnité dont le montant est d’au moins 6 mois de salaire, quelle que soit leur ancienneté (article L 1226-15 du code du travail).

En outre, la consultation s’impose même lorsque l’employeur n’a pas de proposition de reclassement à formuler, faute d’en avoir identifiée (Cass. Soc. 30 septembre 2020 n° 19-16488).

Le débat avec les représentants du personnel pouvant notamment porter sur l’effectivité de ses recherches.

Une interrogation subsistait sur la pérennité de cette solution après la modification opérée par la loi Travail.

Les faits de l’affaire

La Chambre sociale de la Cour de cassation confirme à cette occasion sa position antérieure et la continuité de sa jurisprudence.

L’affaire concernait un salarié, chauffeur routier, victime d’un accident du travail.

Dans son avis d’inaptitude du 15 février 2017, le médecin du travail avait indiqué :

« Inapte à son emploi du fait des restrictions : pas de contraintes du membres supérieurs gauche, pas de conduite du fait des contraintes du rachis cervical, du membre supérieur gauche et inférieur gauche, pas de station debout permanente statique ou avec piétinement, pas de manutention en tirant et soulevant avec le bras gauche. Des tâches de type administratif peuvent lui convenir ».

L’employeur ne lui avait proposé aucun reclassement, affirmant qu’aucun poste correspondant aux restrictions du médecin du travail n’était disponible dans l’établissement où il était affecté et qu’il se trouvait dans l’impossibilité de le reclasser en raison de votre refus de mobilité géographique.l'employeur doit consulter le CSE avant de procéder au licenciement du salarié qui a été déclaré inapte

En conséquence, il avait convoqué l’intéressé à un entretien préalable en vue de son licenciement, par lettre du 17 mars 2017, l’entretien s’étant tenu le 27 mars 2017.

Le salarié avait été licencié par lettre du 31 mars 2017 pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement

L’employeur avait certes convoqué le CSE pour le consulter sur le licenciement du salarié mais l’avait fait très tardivement.

Les représentants du personnel avaient en effet été convoqués le 17 mars 2017 à une réunion devant avoir lieu le 31 mars suivant (jour de l’envoi de la lettre de licenciement).

Autant dire que l’employeur semblait accorder une grande importance à cette exigence légale…

La consultation du CSE est obligatoire même en l’absence de solution de reclassement proposée au salarié

Le salarié avait contesté son licenciement, mais la Cour d’appel l’avait débouté.

Les magistrats s’appuyaient sur la rédaction du code du travail, qui prévoit certes que l’avis des délégués du personnel intervient avant la proposition de reclassement, mais ne contient aucune indication particulière en l’absence de proposition de reclassement.

Ils en déduisaient qu’en l’absence de proposition de reclassement, l’employeur n’était pas tenu de procéder à la consultation du CSE, de sorte que sa tardiveté était sans incidence.

Accueillir une telle motivation, qui pouvait se prévaloir d’une nouvelle lecture de la rédaction issue de la loi Travail, aurait constitué un revirement de jurisprudence, et une régression des droits des salariés.

La Cour de cassation ne s’y montre pas favorable et censure l’argumentation de la Cour d’appel.

Elle énonce au contraire (Cass. Soc. 5 mars 2025 n° 23-13802) :

Qu’il appartenait à l’employeur de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement avant d’engager la procédure de licenciement

Non seulement, la consultation du CSE demeure une obligation en l’absence de possibilité de reclassement, mais pour que cette consultation ait du sens, elle doit avoir lieu avant que l’employeur engage la procédure de licenciement.

En l’espèce, le licenciement du salarié a donc été jugé sans cause réelle et sérieuse.

Un seul cas dans lequel l’employeur n’est pas tenu de consulter le CSE

Seul un cas permet à l’employeur d’être dispensé de consultation du CSE.

C’est lorsque le médecin du travail a rendu un avis mentionnant expressément que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

L’employeur, qui n’est alors pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas non plus l’obligation de consulter les délégués du personnel (Cass. Soc. 8 juin 2022 n° 20-22500).

Cette solution s’applique quelle que soit l’origine de l’avis d’inaptitude (professionnelle ou non).