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Archives de la catégorie : Temps de travail, durée du travail

La surcharge de travail est identifiée comme le premier risque professionnel affectant la santé mentale des salariés. Il s’agit donc d’une affection majeure, bien connue des entreprises et des directions des ressources humaines, à laquelle au-delà des apparences elles n’apportent souvent aucune solution. Les causes de la surcharge de travail peuvent être multiples : pression de la hiérarchie, exigences liées au poste, sous-effectif de l’entreprise….

Certains salariés n’ont pas d’attache physique avec l’entreprise qui les emploie, la nature de leur activité professionnelle exigeant qu’elle se déploie en dehors de l’entreprise. Cette activité peut nécessiter de nombreux déplacements pour se rendre d’un site à un autre, de sorte que ce temps de déplacement occupe une part importante de leur journée de travail.

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Intérêt de la distinction

Le temps de travail n’est pas constitué d’une période univoque mais comprend l’addition des différentes périodes qui le composent, auxquelles est associé un régime juridique spécifique : temps de travail effectif, de déplacement, de pause, de repos, d’astreinte…

Un contentieux assez nourri porte notamment sur la distinction qui est opérée entre le temps de travail effectif et le temps d’astreinte.

Cette distinction présente un intérêt tout particulier lorsqu’il s’agit pour le salarié d’établir l’existence d’heures supplémentaires dont il réclame le paiement.

En effet, les heures supplémentaires accomplies ne sont valablement prises en considération et ouvrent droit à paiement que si, d’une part, elles excédent la durée légale ou conventionnelle de travail hebdomadaire et d’autre part, si elles correspondent à un temps de travail effectif.

Cette dernière exigence résulte du Code du travail, qui prévoit que la durée légale de travail effectif à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine (article L 3121-27 du Code du travail).

Si le temps de travail effectif est assimilé dans le langage commun à celui pendant lequel le salarié est opérationnel et participe à l’activité de l’entreprise, les juristes en retiennent une définition plus précise.

Définition juridique du temps de travail effectif et de l’astreinte

Le temps de travail effectif est décrit dans le Code du travail comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (article L 3121-1 du Code du travail).

Ce temps exclut donc a priori celui consacré aux pauses de toutes sortes (déjeuner, repos..) ainsi que celui utilisé pour l’habillage et le déshabillage (sauf dispositions conventionnelles particulières).

Le temps de déplacement professionnel, pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas non plus considéré comme du temps de travail effectif (article L 3121-4 du Code du travail).

La période d’astreinte s’entend, quant à elle, comme celle pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise, étant précisé que la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif (article L 3121-9 du code du travail).temps de travail effectif et heures supplémentaires

Elle fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les litiges relatifs à une demande de requalification du temps d’astreinte en temps de travail effectif consistent donc à apprécier si le salarié peut, ou non, vaquer à ses occupations personnelles et s’il est employé à un temps de travail professionnel.

Des illustrations tirées de la jurisprudence permettent de mieux caractériser ces deux temps d’activité du salarié.

Illustrations du temps de travail effectif

Un salarié exerçant les fonctions super intendant d’un cargo est tenu par son employeur à l’exécution d’heures « de permanence », qu’il refuse de payer comme du temps de travail effectif, en début et fin de chargement du bateau, pendant lesquelles le salarié doit résider dans des hôtels situés à proximité des zones portuaires et rester joignable afin de pouvoir intervenir en cas de besoin.

L’intéressé saisit la juridiction prud’homale d’une demande de paiement d’heures supplémentaires.

Il obtient gain de cause, les heures de « permanence » constituant un temps de travail effectif qui devait être rémunéré comme tel.

Les juges relèvent en effet que l’obligation qui lui est faite, d’une part, de rester à proximité du navire, d’autre part, d’être disponible à tout moment afin d’intervenir immédiatement en vue de pallier toute difficulté, caractérisent des contraintes imposant au salarié de se tenir en permanence à la disposition de l’employeur et l’empêchent de vaquer librement à des occupations personnelles (Cass. Soc. 16 juin 2021 n° 19-15154).

En revanche, la solution retenue est différente dans une affaire où un salarié travaillant dans une zone aéroportuaire, demandait un rappel de salaire lié au temps de transport qu’il devait effectuer chaque jour dans l’enceinte de l’entreprise afin de rejoindre son poste de travail.

La Chambre sociale de la Cour de cassation retient que la circonstance que le salarié soit astreint de se déplacer vers son lieu de travail, à l’intérieur de l’enceinte sécurisée de l’infrastructure aéroportuaire, au moyen d’une navette, ne permet pas de considérer que ce temps de déplacement constitue un temps de travail effectif, car il n’est pas démontré qu’il se trouvait à la disposition de son employeur et devait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (Cass. Soc. 9 mai 2019 n° 17-20740).

Illustrations de la période d’astreinte

Une salariée travaillant pour une société hôtelière a signé un contrat de travail comportant des « astreintes à domicile », à raison de trois ou quatre nuits par semaine, donnant lieu à l’attribution d’un logement de fonction au sein de l’établissement où elle les effectue.

Elle demande à la juridiction prud’homale de requalifier ce temps d’astreinte en temps de travail effectif.

Sa demande est rejetée, la juridiction prud’homale relevant le caractère exceptionnel de ses interventions.

Celles-ci étaient limitées soit à un problème de sécurité, soit à des dysfonctionnements de la borne automatique d’accès à l’hôtel la nuit, de sorte que

L’obligation à laquelle était soumise la salariée, qui disposait d’un logement de fonction au sein de l’établissement, d’assurer une présence afin de pouvoir répondre à des demandes éventuelles et d’intervenir en cas d’urgence touchant à la sécurité des personnes et des biens, sans être soumise à des sujétions particulières, devait recevoir la qualification d’astreinte (Cass. Soc. 24 mars 2010 n° 08-44453).

En revanche, il en va différemment s’agissant d’un salarié, dépanneur automobile, assurant outre ses fonctions habituelles de dépannage, une permanence pour intervenir sur une portion délimitée d’autoroute.

Ce salarié avait saisi le Juge d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et demandait le paiement d’heures supplémentaires, notamment celles réalisées dans le cadre de la période « de permanence ».

Après avoir échoué en appel, la Chambre sociale de la Cour de cassation lui donne raison et fournit une grille d’analyse.

Elle reproche aux Juges d’appel d’avoir écarté sa demande de requalification d’une période d’astreinte en temps de travail effectif,

sans vérifier s’il avait été soumis, au cours de cette période, à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement au cours de cette période, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles (Cass. Soc. 26 oct. 2022 n° 21-14178).

L’intensité des contraintes, obstacle à la liberté du salarié de vaquer à ses occupations, critère de l’astreinte

Dans une décision remarquée, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la situation d’un salarié, employé d’hôtel.

Celui-ci devait effectuer en moyenne quatre nuits d’astreinte hebdomadaires, du vendredi soir au mardi.

Considérant qu’elles constituaient en réalité du temps de travail effectif, il réclamait le paiement d’heures supplémentaires, après avoir été licencié.

L’employeur lui objectait qu’il logeait dans une chambre de fonction réservée à cet effet et qu’une borne d’accès 24 heures sur 24 permettait aux clients d’avoir un accès libre à l’hôtel sans avoir à s’adresser au salarié de permanence, ce qui limitait donc ses interventions durant les nuits passées à l’hôtel.

Il en déduisait qu’il ne s’agissait pas d’un temps de travail effectif.

La Cour d’appel avait retenu l’argument et suivi partiellement le salarié, après avoir relevé qu’il était appelé à intervenir régulièrement durant ses périodes d’astreinte, compte tenu de la vétusté des lieux et du matériel de l’hôtel.

La Chambre sociale de la Cour de cassation censure cette décision (Cass. soc. 14 mai 2025 n° 24-14319).

L’intéressé soutenait en effet que son numéro de téléphone figurait sur la borne automatique de l’hôtel et qu’il était très souvent dérangé.

Il appartenait donc aux Juges du fond de vérifier s’il avait été soumis au cours de ces périodes,

à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles.

L’intensité des contraintes, affectant objectivement et très significativement, la faculté du salarié de vaquer à ses occupations personnelles est donc un critère à prendre en considération pour déterminer s’il s’agit d’un temps de travail effectif.

Le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire ouvre droit à une indemnisation, sans que le salarié ait à démontrer l’existence de son préjudice, celui-ci résultant nécessairement de cette surcharge de son temps de travail. Cette nouvelle décision de la chambre sociale de la Cour de cassation est la bienvenue dans un contexte où l’exigence de la démonstration d’un préjudice a tendance à devenir le maitre mot des juridictions prud’homales. Le Code du travail précise les durées de travail quotidienne et hebdomadaire admissibles.

Le salarié à temps partiel est considéré par le Code du travail comme celui dont la durée du travail est inférieure à la durée légale du travail (35 heures), ou si elle lui est inférieure, à la durée conventionnelle (de branche ou d’entreprise) applicable.