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Date de levée de la clause de non-concurrence après un licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Clause de non-concurrence et contrat de travail

La clause de non-concurrence, qui doit être expressément prévue dans le contrat de travail ou éventuellement dans un avenant ultérieur, comporte plusieurs indications, à peine de nullité.

Outre son caractère indispensable à la protection des intérêts de l’entreprise, son périmètre géographique, sa durée et l’exigence d’une contrepartie financière, d’un montant qui n’est pas dérisoire, doivent être précisément mentionnés.

Le contrat de travail procède parfois par renvoi à la convention collective, qui détermine le montant et les modalités d’application de la clause de non-concurrence.

L’obligation de non-concurrence prend effet après la rupture du contrat de travail, étant rappelé que durant l’exécution du contrat de travail, le salarié est tenu à une obligation de loyauté envers son employeur.

Interrogations relatives à la levée de la clause de non-concurrence

Le pouvoir de lever, ou non, la clause de non-concurrence est entre les mains de l’employeur, qui en décide de manière discrétionnaire, sous réserve d’observer les exigences légales.

La date à laquelle il dispensera, ou non, le salarié de son obligation de non-concurrence est souvent un moment lourd d’incertitude.

Quand la clause de non-concurrence doit-elle être levée, alors que le contrat de travail fixe une date postérieure au départ effectif ?Certains salariés nourrissent l’espoir, après avoir démissionné, d’en être déliés dans le but de rejoindre sans encombre une autre entreprise exerçant une activité concurrente, qui leur offre des perspectives d’évolution plus prometteuses.

D’autres, qui envisagent de travailler dans un domaine d’activité différent, espèrent au contraire que l’employeur appliquera la clause de non-concurrence et qu’ils bénéficieront ainsi de sa contrepartie financière (sans oublier d’y ajouter les congés payés afférents).

La Cour de cassation a clairement établi la date ultime à laquelle l’employeur dispose de la possibilité de lever la clause de non-concurrence.

La date de départ effectif du salarié : point de départ de l’obligation de non-concurrence ou dernier moment pour lever la clause de non-concurrence

Le critère décisif est celui de la date de départ effectif du salarié de l’entreprise.

Cette date s’applique aussi bien en cas de démission qu’en cas de licenciement.

Dans une formule désormais bien éprouvée, la Chambre sociale juge ainsi :

En cas de rupture du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise (Cass. Soc. 7 mai 2024 n° 22-18699).

La règle reçoit également application lorsque le salarié a exécuté, en tout ou partie, son préavis.

L’employeur qui dispenserait le salarié de son obligation de non-concurrence, et partant du paiement de la contrepartie financière, après son départ effectif de l’entreprise, se heurte à une impossibilité absolue.

Cela, alors même que le contrat de travail lui en accorderait la possibilité.

La jurisprudence considère en effet que, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, l’employeur doit le faire au plus tard à la date du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires.

Les stipulations du contrat qui prévoirait une date de levée ultérieure sont donc sans effet.

En outre, il y a lieu de préciser que lorsque les parties ont conclu une rupture conventionnelle de leur contrat de travail, si l’employeur entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, il doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, également nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.

Qu’en est-il en cas de licenciement pour inaptitude du salarié et impossibilité de reclassement ?

La Haute juridiction vient de statuer sur ce point.

Un salarié qui était en arrêt de travail depuis plusieurs mois avait initialement saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, en invoquant le harcèlement moral qu’il avait subi.

Quelques temps plus tard, il est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après que le médecin du travail avait déclaré que son de santé faisait obstacle à tout reclassement.

Son inaptitude étant considérée d’origine non professionnelle, le salarié n’avait pas à exécuter de préavis, et n’a pas perçu d’indemnité compensatrice de préavis (seul le salarié dont l’inaptitude a été considérée d’origine professionnelle bénéficie d’une telle indemnité).

Le contrat de travail prévoyait la possibilité pour l’employeur de lever la clause de non-concurrence dans un délai de 20 jours suivants la notification de la rupture.

L’intéressé avait été licencié le 27 septembre 2018 et l’employeur lui avait notifié la levée de la clause de non-concurrence dans le certificat de travail, daté du 8 octobre 2018, soit 12 jours après son licenciement.

Il soutenait donc, en se référant au contrat de travail, que cette dispense était valable.

Le salarié, qui s’appuyait au contraire sur la jurisprudence précitée, demandait le paiement de la contrepartie financière de son obligation de non-concurrence.

La Cour d’appel lui avait donné satisfaction.

En cas de dispense ou d’impossibilité d’exécution du préavis, c’est la date de départ effectif du salarié de l’entreprise qui doit être prise en considération

La Haute juridiction confirme la position des juges du fond.

Peu importe les stipulations du contrat de travail, elle énonce :

En cas de rupture du contrat de travail avec dispense ou impossibilité d’exécution d’un préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise.

Elle ajoute donc, à la dispense d’exécution, l’impossibilité d’exécution du préavis.

Elle précise qu’en cas de licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel, le préavis n’est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement.

De sorte qu’en cas de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires, dès lors que le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler (Cass. Soc. 29 avril 2025 n° 23-22191).

Cette solution qui préserve les intérêts du salarié mérite entière approbation.