Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Date de départ effectif de l’entreprise et d’acte exigibilité de paiement de la contrepartie financière

Lorsque le contrat de travail d’un salarié comporte une clause de non-concurrence, quelle est la date à laquelle l’employeur est redevable du paiement de l’indemnité de non-concurrence, après la rupture de la relation contractuelle (pour cause de démission, licenciement) ?

S’agit-il de la date de fin du préavis, ou de celle à laquelle le salarié a quitté l’entreprise lorsque l’employeur l’a dispensé de l’exécution du préavis ?

Depuis une décision de principe de la Chambre sociale de la Cour de cassation, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise (Cass. Soc. 13 mars 2013 n° 11-21150)

La Haute juridiction a précisé ultérieurement que l’employeur qui dispense le salarié de l’exécution de son préavis doit, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires (Cass. Soc. 21 janv. 2015 n° 13-24471).

Que l’on peut résumer ainsi :

En cas de rupture du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise (Cass. soc. 27 mars 2024 n° 22-15662)

Étant précisé que la renonciation par l’employeur à l’obligation de non concurrence ne se présume pas et ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer (Cass. soc.6 fév. 2019 n° 17-27188).

Quid si l’employeur s’est réservé la possibilité de libérer le salarié de la clause de non-concurrence après qu’il ait quitté l’entreprise ?

La jurisprudence considère que la date à prendre en compte pour le paiement de l’indemnité de non-concurrence est donc celle à laquelle le salarié a quitté de façon effective l’entreprise, c’est à dire soit au terme de son préavis lorsqu’il l’a exécuté intégralement, soit à la date de son départ lorsqu’il a été dispensé par l’employeur de son exécution, en tout ou partie.clause de non concurrence

En outre, lorsque, selon une formulation habituelle, le contrat de travail prévoit que l’employeur se réserve la faculté de « se libérer du paiement de la clause de non-concurrence au plus tard dans un délai d’un mois suivant la notification de la rupture », l’interprétation qui en est faite permet de retenir que cette stipulation n’a pas lieu de s’appliquer, et que l’employeur ne pourra pas s’exonérer du paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, si après avoir dispensé le salarié de l’exécution du préavis, il n’a pas levé la clause au plus tard à la date de son départ effectif de l’entreprise.

Cette règle vient néanmoins de connaitre un tempérament en raison, semble-t-il, du caractère fautif du comportement adopté par le salarié

L’affaire concernait une salariée dont le contrat de travail contenait une clause de non-concurrence prévoyant que « la société se réserve le droit de libérer le salarié de l’interdiction de concurrence ou d’en réduire la durée en informant par écrit le salarié dans le délai maximal de 30 jours qui suivra la fin effective du travail (fin du préavis effectué ou début du préavis non effectué) »

Nous avons préalablement exposé qu’une telle stipulation parait dépourvue de validité au regard de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, bien que ce point ne soit pas ici discuté.

La salariée avait démissionné le 13 janvier 2011 et avait cessé de travailler le 28 février 2011.

L’employeur l’avait informée qu’il renonçait à la clause de non concurrence le 6 avril 2011.

L’intéressée avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement de l’indemnité de non-concurrence en s’appuyant sur la règle considérant comme date d’exigibilité de la contrepartie financière de cette obligation celle de son départ effectif de l’entreprise le 28 février 2011.

Elle soutenait donc que l’indemnité lui était due depuis le 1er mars 2011 et que la renonciation de l’employeur était tardive.

Ce dernier répliquait que la salariée avait elle-même écourté son préavis, ce qu’il n’avait pas accepté, preuve en était qu’il avait cessé de lui verser son salaire du mois de mars 2011, il estimait que la fin de la relation contractuelle était le 13 avril 2011 et considérait en conséquence que la levée de la clause de non-concurrence le 6 avril 2011 était parfaitement licite.

La Cour d’appel avait suivi l’employeur dans son raisonnement.

Elle est approuvée par la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui énonce « qu’ayant constaté que la salariée avait démissionné le 13 janvier 2011 et que l’employeur ne l’avait pas dispensée de l’exécution de son préavis de trois mois, la cour d’appel en a exactement déduit que la notification de la levée de la clause de non-concurrence faite le 6 avril 2011, en cours de préavis, était valable » (Cass. Soc. 21 mars 2018 n° 16-21021).

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