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Mon employeur me demande de travailler pendant mon arrêt maladie

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Arrêt de travail du salarié et obligations de l’employeur

L’implication et la conscience professionnelle d’un salarié peuvent l’inciter à répondre favorablement aux sollicitations d’un employeur qui l’interroge, comme si de rien n’était, sur le suivi de son activité professionnelle pendant qu’il est en arrêt maladie.

Il n’est en effet pas si rare qu’un salarié qui a envoyé un arrêt de travail à son employeur soit contacté par celui-ci pendant cette période de suspension du contrat de travail.

Par un appel téléphonique ou un mail, son responsable hiérarchique lui demande une précision sur un dossier, le suivi d’un client… voire même, invoquant l’urgence ou la nécessité à laquelle il est confronté, lui suggère, quand il ne s’agit pas d’une directive, de travailler activement de chez lui en dépit de son état de santé.

Le fait qu’un employeur procède à une telle sollicitation révèle en réalité un manquement de sa part à une obligation essentielle du contrat de travail qu’il ne peut méconnaitre, l’obligation de sécurité.

Rappelons en effet que celle-ci lui impose entre autres de prendre soin de la santé des salariés, conformément aux dispositions de l’article L 4121-1 du Code du travail, et de leur assurer des conditions de travail qui ne nuisent pas à leur santé.

Étant rappelé que la Chambre sociale de la Cour de cassation énonce par une parfaite constance que « le droit à la santé et au repos des salariés est au nombre des exigences constitutionnelles ».

A ce titre, il incombe donc à l’employeur de s’abstenir de prendre contact avec le salarié pendant toute la durée de son arrêt maladie et de respecter la période de repos qui lui a été prescrite par son médecin, qui est indispensable pour lui permettre de recouvrer sa santé.

Obligations du salarié pendant qu’il est en arrêt de travail

La situation du salarié, qui ne peut s’empêcher de regarder ses mails professionnels et/ou de répondre à ses appels téléphoniques au cours de cette période, est plus délicate.

Entre culpabilité de laisser l’employeur dans l’incertitude, sentiment d’être un rouage indispensable à l’entreprise, ou volonté de ne pas répondre mais crainte de se mettre l’employeur à dos, l’équilibre est parfois difficile à trouver…

Sans compter que l’arrêt de travail peut être la conséquence d’une surcharge de travail ou de conditions de travail insupportables, et que la seule évocation de l’environnement professionnelle suffit à susciter chez l’intéressé un rejet immédiat.

Cela étant, le salarié est également tenu à des obligations légales.L'employeur peut-il demander à un salarié de travailler pendant son arrêt maladie

L’article L 323-6 du Code de la sécurité sociale précise en effet que le bénéficiaire des indemnités journalières versées par la Caisse d’assurance maladie doit s’abstenir de toute activité non autorisée.

Il ajoute qu’en cas d’inobservation volontaire de ces obligations, il doit restituer à la Caisse les indemnités versées correspondantes.

En outre, si cette activité a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière à son encontre.

Il en résulte que le salarié ne doit pas poursuivre l’exercice de son activité professionnelle pendant qu’il est en arrêt maladie

Ainsi, indépendamment des méfaits que cette poursuite peut engendrer sur son état de santé, elle présente un caractère illégal.

La jurisprudence abonde au demeurant de décisions condamnant un salarié en raison de manquement à son obligation de loyauté pour avoir travaillé au bénéfice d’une entreprise concurrente pendant qu’il était en arrêt maladie.

Afin d’éviter toute difficulté et éventuelle tentation, il est donc recommandé au salarié de ne pas regarder ses mails professionnels et d’éteindre son téléphone professionnel s’il en possède un, ou en tout état de cause, de ne pas répondre aux appels téléphoniques professionnels qu’il reçoit.

Une décision intéressante a récemment condamné un employeur défaillant à indemniser un salarié.

Condamnation d’un employeur pour manquement à son obligation de sécurité

Une salariée avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes à l’encontre de son employeur après qu’elle ait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Elle réclamait notamment sa condamnation à lui payer des dommages intérêts pour manquement à son obligation de sécurité pour l’avoir fait travailler pendant son arrêt maladie.

Elle soutenait en effet que celui-ci l’avait contrainte à travailler activement à son domicile pendant la suspension de son contrat de travail.

L’employeur avait reconnu lui avoir fait une demande ponctuelle de renseignements, mais affirmait qu’elle ne correspondait pas à l’exercice d’un travail salarié et s’expliquait par la mise en œuvre prochaine d’un mi-temps thérapeutique.

Si la Cour d’appel s’était satisfaite de cette explication, la Chambre sociale de la Cour de cassation n’est pas du même avis.

Elle retient au contraire que la reconnaissance par l’employeur d’avoir proposé à la salariée, qui n’a eu d’autre choix que se de s’y plier, de reprendre le travail depuis son domicile à son rythme, et d’accomplir un temps de travail correspondant à un volume d’une quinzaine d’heures caractérisait un manquement à son obligation de sécurité (Cass. Soc. 6 juill. 2022 n° 21-11751).

Cette décision, qui mérite l’approbation, est d’autant plus précieuse que les arrêts en la matière sont rares.

Le seul constat du manquement de l’employeur ouvre droit à réparation

La Cour de cassation a jugé qu’un employeur qui avait fait venir une salariée trois fois pendant son arrêt maladie pour accomplir, ponctuellement et sur une durée limitée, une tâche professionnelle était fautif.

Elle rappelle que l’article L 4121-4 du Code du travail prévoit qu’au titre de son obligation de sécurité, l’employeur qui confie des tâches à un salarié doit prendre en considération ses capacités en matière de sécurité et de santé.

Elle énonce en conséquence que :

le seul constat du manquement de l’employeur en ce qu’il a fait travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie ouvre droit à réparation (Cass. soc. 4 sept. 2024 n° 23-15944).

Cette jurisprudence est intéressante, car elle ne nécessite pas, contrairement à ce que soutenait l’employeur, que le salarié fasse la démonstration d’un préjudice, à rebours de son exigence habituelle.

Une sanction qui se résout par l’octroi de dommages intérêts, et non d’un rappel de salaire ou d’une indemnité pour travail dissimulé

Une salariée qui avait travaillé pendant ses congés maternité et maladie produisait un décompte des heures de travail qu’elle avait accomplies à la demande de son employeur.

Elle sollicitait en conséquence leur paiement ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé.

L’argument du travail dissimulé, qui n’était pas dépourvu de pertinence, est pourtant évincé par les Juges.

Sa demande est rejetée, la Haute Juridiction énonçant à cette occasion (Cass. soc. 2 oct. 2024 n° 23-11582) :

L’exécution d’une prestation de travail pour le compte de l’employeur au cours des périodes pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie, d’accident ou d’un congé de maternité engage la responsabilité de l’employeur et se résout par l’allocation de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice subi.

La salariée ne peut donc prétendre qu’à l’allocation de dommage, mais devra, dans ce cas précis, justifier de son préjudice…