Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La qualification de travail dissimulé nécessite l’existence d’un élément intentionnel

L’accomplissement d’heures supplémentaires par le salarié ouvre évidemment droit à une majoration de salaire, dont la loi a cependant réduit le montant le taux à un minimum de 10 % en cas d’existence d’un accord collectif le prévoyant (article L 3121-33 du Code du travail).

En outre, lorsque l’employeur mentionne, intentionnellement, sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli par le salarié, ce fait est constitutif de travail dissimulé (article L 8221-5 du Code du travail), ce qui ouvre droit.

En cas de rupture du contrat de travail (licenciement, démission, prise d’acte…), le salarié auquel un employeur a eu recours dans de telles conditions bénéficie d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire (article L 8223-1 du Code du travail), qui s’ajoute aux indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail.

La difficulté réside pour le salarié dans la démonstration que l’employeur a agi intentionnellement, la jurisprudence se montrant assez pointilleuse sur l’exigence qu’elle accorde à cet adverbe.

Dépassement des horaires et interdiction de l’employeur d’en faire état

La Chambre sociale de la Cour de cassation a néanmoins retenu que lorsque le salarié dépassait de façon systématique l’horaire planifié et que les heures qu’il a réellement effectuées étaient plus importantes que celles déclarées et payées, l’élément intentionnel du travail dissimulé était caractérisé (Cass. Soc. 24 oct. 2018 n° 17-21116).

Elle vient, dans une nouvelle décision, de sanctionner le comportement d’un employeur qui interdurée temps de travaildisait à une salariée de mentionner sur ses feuilles de route le nombre d’heures qu’elle avait effectivement réalisées.

Cette salariée travaillait en qualité de distributrice de journaux et de prospectus.

La convention collective qui régissait la relation contractuelle (convention collective nationale de la distribution directe) prévoit la quantification préalable du temps de travail itinérant des distributeurs de prospectus et de journaux.

Or, la salariée avait accompli un nombre d’heures de travail supérieur à celui qui était pré-quantifié par l’employeur, celui-ci refusant néanmoins de lui payer ces heures supplémentaires, et lui interdisant même d’en faire mention sur les feuilles de route qu’elle remplissait.

Les agissement coupables de l’employeur sanctionnés

L’intéressée avait demandé, et obtenu, la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et justifiait devant la juridiction prud’homale, par constat d’huissier, des heures de travail qu’elle avait réellement exécutées.

La chambre sociale de la Cour de cassation considère en conséquence que si la dissimulation d’emploi salarié ne peut se déduire de la seule application du dispositif de quantification préalable prévue par la convention collective, elle est caractérisée lorsqu’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

L’élément intentionnel résultant ici de la circonstance que l’employeur, bien qu’informé que les horaires de travail de la salariée étaient supérieurs aux temps pré-quantifiés, lui avait interdit de mentionner sur ses feuilles de route les heures qu’elle avait réellement accomplies (Cass. Soc. 5 juin 2019 n° 17-23228).

Les agissements de l’employeur étaient donc dans cette affaire parfaitement établis.

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