Par Franc Muller – Avocat rupture conventionnelle, Paris

 

Il existe peu de limite à la conclusion d’une rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle est à la fête… plus rien ne l’arrête !

Nous avions déjà constaté la grande permissivité que la Chambre sociale de la Cour de cassation accordait à ce mode de rupture du contrat de travail, mais une ultime interrogation persistait après que les digues aient cédé les unes après les autres : un salarié et un employeur peuvent-il valablement conclure une rupture conventionnelle après qu’un avis d’inaptitude ait été rendu par le médecin du travail à la suite d’un arrêt de travail du salarié pour cause d’accident du travail ?

Un début de réponse avait été apporté après que la jurisprudence ait admis qu’une rupture conventionnelle pouvait être conclue alors que le salarié était en arrêt pour cause d’accident de travail ou de maladie professionnelle, avant qu’il ait passé la visite médicale de reprise (Cass. Soc. 30 sept. 2014 n° 13-16297).

C’est désormais l’étape suivante qui vient d’être franchie : une victime d’accident du travail peut signer avec son employeur une rupture conventionnelle après qu’elle ait été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail (Cass. Soc. 9 mai 2019 n° 17-28767).

Les considérations tenant à la protection particulière dont bénéficie le salarié dans une telle situation (obligation de reclassement, motifs de licenciement limitativement énumérés…) ont tôt fait d’être balayées par la Chambre sociale, qui estime donc que la vulnérabilité du salarié victime d’un accident du travail n’affecte pas en tant que telle son consentement.

En mettant fin de cette manière au contrat de travail, l’employeur s’affranchira donc de ses obligations à bon compte !formulaire rupture conventionnelle

Il lui suffira de faire comprendre, de préférence au téléphone ou lors d’une conversation en face à face, qu’il ne souhaite plus que le salarié revienne travailler dans l’entreprise et qu’il aurait tout intérêt à accepter la rupture conventionnelle que, précisément, il lui propose, pour que le message infuse auprès du salarié et que celui-ci se résolve à signer, conscient qu’un refus l’expose à un avenir compromis dans l’entreprise et à une situation conflictuelle qu’il ne souhaite pas endurer.

L’employeur, ou son avocat, sait pouvoir s’appuyer sur la Chambre sociale de la Cour de cassation qui ressort en toutes circonstances la même antienne : l’annulation d’une rupture conventionnelle ne peut être prononcée par le Juge prud’homal qu’à condition que le salarié démontre l’existence d’un vice de son consentement ou la commission par l’employeur d’une fraude, étant rappelé que la charge de la preuve repose sur le salarié, demandeur à l’instance.

L’arrêt ne précise pas, au demeurant, si le salarié a bénéficié de l’indemnité de l’indemnité spéciale de licenciement, qui est égale au double de l’indemnité légale (article L 1226-14 du Code du travail), ce point n’étant pas critiqué.

Rappelons, en résumé, qu’une rupture conventionnelle peut être conclue :

Autant dire, et l’examen de la jurisprudence le démontre, que sauf bourde de l’employeur qui ne se serait pas montré assez précautionneux, les cas d’annulation pour fraude ou vice du consentement se comptent sur les doigts d’une (ou de deux) main(s).

La difficulté pour le salarié d’établir que son consentement a été extorqué est réelle

Cette jurisprudence s’inscrit dans le mouvement initié il y a une dizaine d’années par le législateur, consistant à faciliter autant que faire se peut les ruptures amiables du contrat de travail, et surtout à dissuader les salariés de contester les causes de la rupture devant les juridictions prud’homales.

Le barème Macron, limitant les indemnités qui peuvent leur être accordées, achevant cette construction.

Le succès de cette entreprise est garanti, ainsi que le confirment les chiffres publiés par le Ministère de la Justice, révélant une baisse très significative du nombre de saisines des conseils de prud’hommes.

De sorte que, les employeurs peuvent rompre avec un risque limité les contrats de travail de salariés, particulièrement lorsqu’ils ont une faible ancienneté, puisque c’est pour ceux-ci que le barème Macron est le plus injuste.

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