Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Le barème Macon a induit des comportements

On ne signale pas assez les ravages provoqués par le barème Macron sur les salariés licenciés et la renonciation qu’il a provoquée parmi ceux ayant une faible ancienneté (pour la plupart, inférieure à deux, voire trois ans).

Pour qui l’ignorerait encore, ce barème instauré en septembre 2017 fixe un montant d’indemnité maximum accordé au salarié dont le licenciement est jugé injustifié en fonction de son ancienneté dans l’entreprise.

Ce montant est notamment limité à 3,5 mois de salaire brut pour les salariés ayant 2 ans d’ancienneté et à 4 mois maximum pour ceux comptant 3 ans d’ancienneté ; il est plafonné en toute hypothèse à 20 mois de salaire pour les salariés ayant acquis 29 ans d’ancienneté et plus (article L 1235-3 du code du travail).

Le barème Macron a donné lieu à une forme de résignation de nombreux salariés, majoritairement parmi ceux ayant une faible ancienneté, qui renoncent à contester leur licenciement en dépit du sentiment d’injustice qu’ils éprouvent, découragés par le coût et l’énergie que nécessite une action judiciaire, au regard de l’indemnisation envisageable.

Les statistiques confirment cette tendance : depuis l’introduction du barème Macron dans notre ordonnancement juridique, le nombre de demandes formées par les salariés devant les Conseils de prud’hommes relatives à la contestation d’un licenciement est en baisse constante (chute de 44 % entre 2015 et 2020).

Conscients de cette réalité, bon nombre d’employeurs appréhendent désormais avec sérénité de procéder à un licenciement, y compris lorsqu’ils en connaissent la fragilité, puisque leur risque judiciaire est circonscrit.dommages intérêts prud'hommes

L’effet dissuasif attaché à la sanction judiciaire a d’évidence perdu de son effet.

L’objectif qui avait présidé à l’instauration du barème, protecteur des employeurs, a ainsi été parfaitement atteint !

Et ce n’est certainement pas la dernière décision rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui viendra le remettre en cause.

La position exprimée par la Chambre sociale de la Cour de cassation sur la validité du barème Macron

Assez rapidement, les avocats assurant la défense des salariés ont invoqué devant les juridictions prud’homales les engagements internationaux de la France pour échapper à l’étau du barème.

Dans la hiérarchie des normes, une convention régulièrement ratifiée se voit en effet accorder une valeur supérieure à la loi.

Deux articles de conventions internationales étaient sollicités pour offrir une échappatoire : l’article 24 de la Charte Sociale Européenne et l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

L’un et l’autre prévoient que le salarié dont le licenciement est injustifié doit bénéficier d’une « indemnité adéquate » ou d’une « réparation appropriée », ce dont il se déduit que le salarié est fondé à obtenir la réparation intégrale du préjudice qu’il a subi, sans restriction.

Malheureusement, ces espoirs ont été déçus une première fois.

perte de responsabilitéLa Chambre sociale de la Cour de cassation a été saisie le 17 juillet 2019 afin de donner son avis sur la compatibilité de ces textes internationaux avec le barème Macron.

Bien qu’ayant valeur indicative, un avis, qui est rendu par une formation plénière, est doté d’une autorité certaine.

L’incompatibilité du barème aurait permis d’en écarter l’application.

Ce ne fut malheureusement pas la voie retenue par la Haute Juridiction, qui a considéré au contraire que « les dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail » (Ass. Plénière, avis n° R1970010 et S1970011, du 17 juillet 2019).

Cette solution vient d’être confirmée dans un arrêt du 11 mai 2022.

L’affirmation sans détour de la validité du barème Macron

La Chambre sociale de la Cour de Cassation était appelée à se prononcer, dans un cadre contentieux, sur le pourvoi d’un employeur contre une décision de la Cour d’appel de Paris, que nous avions évoquée, ayant accordé à une salariée de 4 ans d’ancienneté une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à plus de 8 mois de salaire, correspondant à l’indemnité adéquate et appropriée conforme aux prévisions de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT, qui excédait largement le barème Macron.

Cette décision est censurée par la Cour régulatrice, qui indique que le terme « adéquat » visé par cet article signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié « doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi ».

Au terme d’une longue démonstration, elle estime que cette exigence est satisfaite par le Code du travail, dont le barème Macron indemnise à la fois les licenciements sans cause réelle et sérieuse, et met à la charge de l’employeur l’obligation de rembourser les allocations chômage perçues par le salarié dans la limite de 6 mois, et en outre par les dispositions applicables à l’indemnisation des salariés dont le licenciement est jugé nul (pour cause de discrimination, harcèlement, ou violation d’une liberté fondamentale), ceux-ci bénéficiant d’une indemnité dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois (article L 1235-3-1 du Code du travail).

Elle en conclut que le barème Macron est compatible avec l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT et estime qu’il revient uniquement aux Juges du fond d’apprécier la situation concrète des salariés pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce barème (Cass. Soc. 11 mai 2022 n° 21-14490).

Elle affirme en conséquence dans le communiqué qui accompagne l’arrêt, que le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale.

Elle reprend par ailleurs l’argument développé dans son avis de juillet 2019 sur l’absence d’effet direct de l’article 24 de la Charte Sociale Européenne, dans une autre décision rendue le même jour.

Bien que sans grande surprise, cette solution n’en reste pas moins décevante, elle parait fermer à double tour la voie de contournement qui avait été entrouverte par certains Juges du fond.

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