Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La rupture conventionnelle est possible en cas de maladie de longue durée

Les limites relatives aux conditions de conclusion d’une rupture conventionnelle sont sans cesse repoussées par la Cour de cassation, qui fait du consentement libre et éclairé du salarié un critère exclusif de validité, dont elle livre une interprétation très extensive.

Des interrogations planaient notamment sur la possibilité offerte à un salarié en arrêt maladie de longue durée, d’avoir recours à ce mode de rupture de son contrat de travail.

La question pouvait légitimement être posée, tant il est vrai qu’un salarié, en arrêt maladie pendant plusieurs mois, se trouve parfois dans un état de vulnérabilité tel, que son discernement est susceptible d’être altéré et son consentement vicié.

La situation se produit notamment lorsqu’un salarié est en arrêt de travail consécutivement à des difficultés d’ordre professionnel, ayant occasionné un burn out, ou une situation de souffrance au travail.

Il est alors permis de considérer que le consentement de l’intéressé n’est pas libre, lorsqu’il est soumis à une contrainte psychologique qui le conduira à conclure une rupture conventionnelle par peur de devoir retourner dans une entreprise à l‘origine de ses tourments.

On aurait pu imaginer qu’il bénéficie de la protection du Juge en considération des circonstances entourant la signature d’une rupture conventionnelle dans cette hypothèse.

Maladie de longue durée : rupture conventionnelle possible ?

rupture conventionnelle pendant un arrêt maladie

Mais la Cour de cassation n’a cure de ces préoccupations, confirmant la faveur qu’elle accorde à ce mode de rupture du contrat de travail.

Peu importe les circonstances, dès lors que le salarié ne peut démontrer que son consentement a été extorqué par l’employeur

Dans une affaire qu’elle vient de juger, un salarié l’a appris à ses dépens (Cass. soc 30 sept. 2013 n° 12-19711).

Ce dernier, qui était en arrêt de travail pour cause de maladie depuis près de neuf mois,  avait en effet saisi les Juges d’une demande de requalification de la rupture conventionnelle qu’il avait signée, en licenciement sans cause réelle et sérieuse, invoquant notamment un harcèlement moral et la précarité de sa situation pour justifier de son acceptation.

Son arrêt de travail était lié à un syndrome anxio dépressif en rapport avec une situation de souffrance au travail, selon le diagnostic établi le médecin du travail.

Le salarié soutenait qu’il avait signé la rupture conventionnelle le 14 janvier 2009, alors que son employeur avait été avisé par la caisse primaire d’assurance maladie de ce que des indemnités journalières cesseraient de lui être servies à compter du 19 janvier 2009.

Il arguait également de l’existence d’un litige l’opposant à son employeur, qui lui reprochait entre autres l’insuffisance de ses résultats commerciaux.

La Cour de cassation n’a pas retenu ces arguments, relevant qu’au moment de la signature de la convention, le consentement du salarié était libre et éclairé.

Elle confirme d’autre part la position des juges du fond qui n’avaient pas tenu compte de l’état du salarié souffrant, au jour de la rupture, d’une pathologie dépressive médicalement imputée à ses conditions de travail.

Elle réaffirme au passage que l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture.

Rappelons que la Cour de cassation avait adopté récemment ce principe, qui ne nous paraît décidément pas de bon augure pour les salariés : Une rupture conventionnelle est possible en cas de différend.

Enfin, les juges n’avaient pas non plus considéré qu’un harcèlement moral soit caractérisé en l’espèce.

A cet égard, il convient de rappeler qu’une rupture conventionnelle ne peut être conclue avec un salarié victime de harcèlement moral, en raison de la situation de violence morale qui est ainsi caractérisée (Cass. soc 30 janvier 2013 n° 11-22332).

On regrettera, une fois encore, l’interprétation large donnée par la Cour de cassation à l’exigence d’un consentement libre et éclairé du salarié.

Après avoir admis que l’entretien exigé par la loi, au cours duquel les parties conviennent de la rupture du contrat de travail, et la signature de la rupture conventionnelle, pouvaient avoir lieu le même jour, sans nécessité d’un délai de réflexion minimum (Cass. soc 3 juillet 2013 n° 12-19268), les Hauts magistrats se retranchent en l’occurrence derrière l’appréciation des juges du fond pour déterminer si le consentement du salarié était vicié ou non.

C’est faire peu de cas de la réalité du rapport de force existant dans le monde du travail entre un salarié et son employeur, et de l’ascendant incontestable qu’exerce ce dernier sur l’autre partie.

Il n’est pas si rare qu’un salarié signe une rupture conventionnelle devant l’insistance d’un DRH intransigeant, voire menaçant.

Les esprits retors imagineront alors qu’il suffit à un employeur habile d’y mettre les formes pour qu’un salarié signe une rupture conventionnelle dont les conditions lui auront été imposées, en courant le faible risque qu’il exerce son droit de rétractation.

La décision commentée lève en outre encore davantage le voile sur les situations éligibles à une rupture conventionnelle.

Dans une circulaire du 17 mars 2009 (circulaire DGT n° 2009-004), le Ministère du travail précisait que rien n’interdisait aux parties d’adopter ce mode de rupture lorsque le salarié est en congé parental d’éducation, en congé sabbatique ou en congé sans solde, notamment.

Depuis lors, la conclusion d’une rupture conventionnelle ne connait comme seule limite que l’existence d’une fraude de l’employeur ou d’un vice du consentement du salarié, dont la preuve sera souvent difficile à rapporter.

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