Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La rupture conventionnelle, mode de rupture fréquent du contrat de travail

Lorsque le contrat de travail d’un salarié est rompu au moyen d’une rupture conventionnelle, il n’est pas rare, selon le contexte dans lequel se séparent les parties, que l’employeur exige en outre de l’assortir d’une transaction.

La transaction est un acte juridique défini par le Code civil comme un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître (article 2044 du Code civil).

Elle nécessite donc la réunion deux conditions : l’existence d’un litige né ou à naître et la constitution de concessions par chacune des parties.

L’articulation entre rupture conventionnelle et transaction n’est pas toujours aisée à comprendre pour les salariés car la confusion règne parfois entre ces deux mécanismes, dont l’un et l’autre portent sur des objets différents.

La loi prévoit que « la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties » (article L 1237-11 du code du travail).

De fait, la rupture conventionnelle est désormais devenue un mode de rupture habituel du contrat de travail, les employeurs ayant largement su tirer parti de la souplesse qu’elle leur offre, soutenus par une jurisprudence très accommodante de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

On sait en effet qu’une rupture conventionnelle peut être conclue en toutes circonstances, et que l’existence d’un différend entre l’employeur et le salarié, ainsi que des situations où ce dernier se trouve dans une position de fragilité, voire de vulnérabilité (en cas de maladie, d’accident du travail, de congé de maternité, d’inaptitude et même de harcèlement moral), n’y font pas obstacle.

La rupture conventionnelle n’exclut pas la saisine de la juridiction prud’homale

Si, textuellement, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’employeur, la réalité est parfois toute autre lorsqu’il sait habilement faire comprendre au salarié qu’il est de son intérêt d’accepter ce mode de rupture plutôt que de s’engager dans une guerre de tranchée à laquelle il n’a rien à gagner.

Mais l’histoire ne s’achève pas forcément après que le salarié se soit résolu à signer une rupture conventionnelle.

Son contrat de travail est certes rompu et les moyens de contestation inhérents à l’extinction de son contrat de travail sont circonscrits aux cas de fraude ou de vice du consentement, mais il conserve la possibilité de saisir la juridiction prud’homale de demandes relatives à certains aspects de la relation professionnelle pour lesquels il estime avoir été lésé de ses droits (paiement de primes, d’heures supplémentaires, réparation du harcèlement moral subi, etc…).

La transaction, garantie pour l’employeur de ne pas voir le salarié saisir la juridiction prud’homale

C’est pour se prémunir d’une telle hypothèse que l’employeur trouve intérêt à conclure également avec le salarié un second acte, une transaction, dont l’objet est précisément d’éteindre tout risque de contentieux, quel qu’en soit l’objet.

La Chambre sociale de la Cour de cassation considère en effet que la transaction est valable si elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture (Cass. Soc. 26 mars 2014 n° 12-21136).

De sorte que, postérieurement à la rupture conventionnelle, l’employeur et le salarié signeront un nouveau document, une transaction, prévoyant cette fois-ci qu’en contrepartie de la renonciation de l’intéressé à toutes actions judiciaires contre son employeur, celui-ci lui versera une somme déterminée.

Le salarié percevra donc, en tout, deux sommes distinctes, l’une au titre de la rupture conventionnelle, l’autre au titre de la transaction (sans compter son solde de tout compte).

Il importe en conclusion d’attirer l’attention des salariés sur l’incidence de la perception d’indemnités supra-légales au regard de l’assurance chômage.

Plus leur montant est élevé, plus la durée du différé d’indemnisation sera longue, pouvant aller jusqu’à 150 jours calendaires.

Au cours de cette période, le salarié ne bénéficiera donc pas de l’allocation chômage.

Un nouveau régime d'assurance chômage moins avantageux
salarie et prejudice d'anxiete en raison de manquements de l'employeurLe préjudice d’anxiété enfin reconnu à tous les salariés