Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris
La fin du régime d’assurance chômage applicable actuellement
Dans un communiqué de presse publié par le gouvernement le 22 avril dernier, celui-ci acte l’échec des partenaires sociaux à s’accorder sur le dispositif de l’assurance chômage qui doit entrer en application à compter du 1er juillet prochain, et reprend donc la main.
Le régime d’assurance chômage est en effet un dispositif qui présente cette particularité qu’il doit être prioritairement négocié par les organisations représentatives d’employeurs et de salariés, leur accord faisant ensuite l’objet d’un agrément par arrêté ministériel (article L 5422-20 du Code du travail).
La Première Ministre de l’époque leur avait fixé le 1er août 2023 une feuille de route (un « document de cadrage ») dans lequel elle énonçait les objectifs qu’ils devaient atteindre.
En l’absence d’accord, il appartient au gouvernement de se substituer aux partenaires sociaux pour déterminer les règles applicables.
Le régime actuel d’assurance chômage, qui date de juillet 2019 et qui expirait le 31 décembre 2023, avait été prorogé temporairement par un décret du 21 décembre 2023 jusqu’au 30 juin 2024.
Les organisations syndicales de salariés et d’employeurs ne sont cependant pas parvenues à s’entendre sur les règles qui devaient entrer en vigueur, les négociations ayant notamment achoppé sur l’emploi des seniors (qui faisait suite à la réforme des retraites).
De sorte que l’avenir des règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi sera établi par le pouvoir exécutif.
Une très mauvaise nouvelle pour les salariés
La reprise de l’initiative par le gouvernement n’est pas une bonne nouvelle pour les salariés inscrits au chômage.
Le Premier Ministre a d’ores et déjà fait savoir avec insistance qu’il entendait durcir les règles d’indemnisation de l’assurance chômage.
Rappelons que cette pente fâcheuse est déjà celle qui avait été empruntée à trois reprises (en 2017, 2019 et 2023)… et a déjà réduit significativement les droits des demandeurs d’emploi.
Entre autres réjouissances : les conditions d’ouverture ont été restreintes, la dégressivité des allocations a été introduite pour les salariés, très majoritairement cadres, excédant un certain niveau de salaire (4 800 € par mois), et la durée globale d’indemnisation a été réduite de 25 % pour les nouveaux entrants à partir de février 2023 !
Le gouvernement dispose de trois leviers pour parvenir à ses fins : la durée d’affiliation pour bénéficier de l’assurance chômage, la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi et leur niveau d’indemnisation.
Le premier ministre a fait connaître son choix qui semble s’orienter vers une modification des règles concernant la durée d’affiliation (qui est la durée de la période d’emploi) pour s’ouvrir des droits.
Ce qui laisse à penser que les salariés ayant des emplois précaires (CDD, intérimaires…) seraient les premiers à en pâtir et à voir leur allocation s’amenuiser.
Un postulat inexact
L’argument asséné par le Gouvernement pour réduire les droits des chômeurs est le suivant :
Le Président Macron a fixé un objectif de plein emploi en 2027, évaluant un taux de chômage autour de 5 %, or il est actuellement de 7,5 %, il convient donc d’inciter les demandeurs d’emploi à reprendre une activité.
Dit autrement, si les chômeurs sont dans cette situation alors que le marché du travail offre des perspectives d’embauche, c’est parce qu’ils ne veulent pas travailler !
Que l’on peut résumer par la formule incantatoire bien connue : « quand on veut, on peut » !
C’est oublier un peu rapidement que le chômage, dans la très grande majorité des cas, n’est pas une situation volontaire mais une situation subie qui résulte d’un licenciement ou d’une rupture conventionnelle.
Les salariés qui se retrouvent au chômage ne s’y complaisent pas et s’activent la plupart du temps pour s’en sortir.
Le taux de chômage est corrélé à la situation économique des entreprises et à la propension qu’elles ont à se séparer, ou non, de leurs salariés au moindre prétexte.
A cet égard, les dispositions légales prises depuis 2017 ont largement contribué à limiter les indemnités qu’un employeur doit payer à un salarié pour un licenciement injustifié (barème Macron).
Ces mesures incitatives pour les employeurs ne sont non plus pas étrangères au niveau de chômage actuel.
Les failles de l’analyse du gouvernement
D’une part, et contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, près d’un chômeur sur deux exerce une activité.
Selon les chiffres de la DARES (Direction de la Recherche et des Statistiques) au premier trimestre 2024, sur 5 124 300 demandeurs d’emploi inscrits à France Travail, 2 304 400 exerçaient une activité réduite (catégories B et C), dont 1 484 800 une activité de plus de 78 heures par mois (catégorie C).
La stigmatisation des chômeurs n’est pas dépourvue d’arrière-pensées de la part de nos gouvernants et offre à bon compte aux politiques en mal de popularité un argument qui, hélas, trouve une large adhésion.
Il est évidemment plus facile de dénoncer « l’assistanat » que de s’interroger sur les vraies causes du chômage.
Les problèmes de mobilité, la question de l’inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi… sont ainsi habilement esquivées.
Certains soutiennent que la réduction des droits des demandeurs d’emploi tiendrait en réalité à une volonté de réaliser des économies à l’heure où le déficit public est plus important que prévu.
On rappellera pour finir que la fraude sociale des entreprises est évaluée de source autorisée à 16 milliards d’euros par an.
Étonnement, le zèle déployé pour son recouvrement n’est pas de la même ampleur.