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Que faire lorsque l’employeur ne fournit pas de travail au salarié ?

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

L’obligation de fournir du travail, une obligation déterminante du contrat de travail

Le contrat de travail, qui lie un salarié et son employeur, est fondé sur un axiome selon lequel l’employeur doit fournir un travail au salarié, et en contrepartie, celui-ci obtient une rémunération sous forme de salaire.

Cet échange constitue l’essence même de la relation de travail.

Plus précisément, c’est le fait que le salarié se tienne à la disposition de l’employeur, et qu’il soit ainsi prêt à effectuer sa prestation de travail, qui lui donne droit au salaire.

Les Juges en ont depuis longtemps tiré la conclusion suivante : le salarié qui se tient à la disposition de son employeur, a droit à son salaire, peu important que ce dernier ne lui fournisse pas de travail (Cass. soc 3 juillet 2001, n° 99-43361, Cass. soc. 3 mai 2018 n° 16-25748).

Mais nonobstant le fait que le salarié doive se tenir à la disposition de l’employeur, la jurisprudence considère en outre que celui-ci a l’obligation de fournir du travail au salarié, et que cette obligation est déterminante.

La formulation utilisée par la Cour de cassation est très claire : la conclusion d’un contrat de travail emporte pour l’employeur obligation de fourniture du travail (Cass. soc 4 fév. 2015 n° 13-25627).

Conséquences du manquement de l’employeur à fournir du travail au salarié

L’employeur qui refuse de fournir du travail au salarié commet un grave manquement qui justifie, outre le paiement du salaire, la rupture du contrat de travail à ses torts.

C’est la solution adoptée la Haute juridiction en 2010 (Cass. soc 3 nov. 2010 n° 09-65254).

Dans cette affaire, un salarié, qui exerçait les fonctions de rédacteur en chef d’un journal avait été remplaL'employeur a l’obligation de fournir du travail au salariécé, sans qu’une nouvelle affectation lui soit proposée.

L’intéressé s’était donc trouvé pendant une période de plus d’un mois sans activité.

Très affecté par cette situation, il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, en adressant une lettre à son employeur.

Les Hauts magistrats ont en l’occurrence fait droit à sa demande, et jugé que l’employeur avait l’obligation de fournir le travail convenu.

En ayant manqué à cette obligation, l’employeur s’était rendu coupable d’un grave manquement qui rendait légitime l’initiative prise par le salarié, et l’exposait à devoir supporter financièrement les conséquences d’un tel acte.

On rappellera que lorsque la prise d’acte est justifiée, celle-ci produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié obtient une indemnité  ; en revanche, si les juges considèrent qu’elle n’était pas justifiée, la prise d’acte produit les effets d’une démission.

Cette décision novatrice a ouvert une voie digne d’intérêt pour les salariés.

Ainsi, un salarié qui se voit privé de ses attributions du jour au lendemain, sans justification valable, peut utilement invoquer cette jurisprudence à son profit.

Tel était le cas notamment d’une salariée qui, à la suite de la restructuration de son entreprise, s’était vue proposer une mutation géographique, qu’elle avait refusée (ce qu’elle était en droit de faire).

Elle s’était alors retrouvée sans affectation sur son lieu de travail et l’employeur s’était abstenu de lui rechercher de nouvelles fonctions à occuper.

C’est dans ces circonstances qu’elle avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande indemnitaire au titre d’un manquement de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail.

Les juges, rappelant que « l’employeur avait l’obligation de fournir du travail à son salarié », lui ont donné gain de cause, après avoir constaté la carence de son employeur (Cass. soc. 3 mai 2012 n° 10-21396).

La Cour de cassation a, au demeurant, apporté ultérieurement une précision supplémentaire.

Comme souvent en droit du travail, il importe en effet de savoir qui, du salarié ou de l’employeur, devra supporter la charge de la preuve du manquement allégué.

Les Hauts magistrats ont jugé qu’en cas de litige, c’était à l’employeur de démontrer que le salarié avait refusé d’exécuter son travail, ou ne s’était pas tenu à sa disposition (Cass. soc 23 oct. 2013 n° 12-14237), et non l’inverse.

Cette décision est d’une importance pratique non négligeable.

Elle rétablit une forme d’équilibre en obligeant l’employeur à justifier du fait qu’il avait fourni du travail au salarié, et que celui-ci aurait refusé de l’accomplir.

On retiendra donc que lorsque l’employeur a délibérément choisi de ne plus confier de travail à un salarié, outre le fait qu’il reste tenu au paiement du salaire, il s’expose également à une condamnation pécuniaire si le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Prenez conseil auprès d’un avocat droit du travail à Paris.