15 février 2013
Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris
En matière prud’homale, la preuve est libre et le Juge en apprécie librement la valeur et la portée (Cass. soc 27 mars 2001 n° 98-44666).
Pour autant, l’employeur peut-il utiliser tout mode de preuve, y compris une filature ou le recours à un stratagème, pour sanctionner un salarié ?
Depuis plus de vingt ans, la jurisprudence apporte une réponse jamais démentie : l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail, mais tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à l’insu des salariés constitue un mode de preuve illicite (arrêt Néocel, 20 nov. 1991, n° 88-43120).
La première affirmation, guère surprenante, prévoit que l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité des salariés placés sous sa subordination.
Dans ce cadre, il s’est ainsi vu reconnaitre la faculté de vérifier le relevé des communications téléphoniques de salariés, qui lui avait été fourni par l’opérateur téléphonique, et de sanctionner les éventuels abus (Cass. soc 15 mai 2001, n° 99-42937).
En revanche, tant l’enregistrement d’images ou de paroles, que la mise en œuvre d’un dispositif clandestin ou celle d’un stratagème qui n’auraient pas été portés à la connaissance des intéressés, constituent des modes de preuve déloyaux et illicites.
Voici quelques illustrations de pratiques condamnées par la jurisprudence :
Ce dispositif de surveillance clandestin a été jugé déloyal (Cass. soc 18 mars 2008, n° 06-45093).
La jurisprudence place donc la déloyauté de l’employeur au cœur des débats afin de circonscrire les modes de preuve admissibles.
En sens inverse, les modes de preuve qui peuvent être utilisés par les salariés ont connu une évolution notable intégrant les potentialités que leur offrent les appareils qu’ils utilisent quotidiennement, comme leur téléphone notamment.
Désormais, il leur est possible d’établir l’existence de faits qu’ils reprochent à leur employeur (harcèlement, graves manquements), ou de s’exonérer des griefs formulés à leur encontre en dévoilant le texte des SMS qu’ils ont reçus ou les messages téléphoniques laissés sur leur répondeur.
En effet, dans un attendu de principe, la Cour de cassation avait déjà jugé en 2007 que si l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des SMS, dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur (Cass. soc 23 mai 2007 n° 06-43209).
Le salarié peut en conséquence valablement produire en justice les SMS dont il était destinataire, mais il ne peut enregistrer subrepticement une conversation qu’il a eue avec son employeur.
Les Hauts magistrats viennent en outre d’accorder également force probante aux messages vocaux laissés sur un téléphone portable, en reprenant la même motivation que celle de l’arrêt précédent : si l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, ils ont néanmoins ajouter qu’il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur (Cass. soc 6 fév. 2013, n° 11-23738).
Les messages téléphoniques laissés par l’émetteur sur le répondeur de l’appareil téléphonique du destinataire constituent donc désormais des modes de preuve recevables.
Cette évolution témoigne de la prise en compte par les magistrats de l’importance de ces modes de communication.
On ne saurait contester que l’expression d’un message par SMS ou sur un répondeur téléphonique engage son auteur, qui ne peut ignorer les conséquences des ses actes.