Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Le licenciement pour motif économique suppose l’existence d’une cause économique de licenciement

En cette période où les licenciements pour motif économique affluent, il nous est apparu utile de rappeler quelques règles élémentaires qui gouvernent la matière, et de préciser la portée de décisions récentes de la Cour de cassation.

La validité d’un licenciement pour motif économique est tout d’abord subordonnée à l’existence d’une cause économique, c’est à dire la raison invoquée par l’employeur pour procéder au licenciement.

La loi, enrichie par la jurisprudence, a donné une énumération limitative des causes économiques, de sorte qu’un licenciement dont la cause serait étrangère à ces exigences, doit être considéré, en cas de litige, comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

C’est ainsi qu’un licenciement doit être consécutif : soit à des difficultés économiques (1°), soit à des mutations technologiques (2°), soit à une réorganisation de l’entreprise (3°), soit à une cessation totale d’activité (4°).

S’agissant plus particulièrement de la réorganisation de l’entreprise, il a été jugé que si elle n’est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, elle doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou, si celle-ci appartient à un groupe, du secteur d’activité de ce dernier.

L’adjectif « indispensable » marque  la nécessité qui s’impose pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, et s’oppose à une simple possibilité.

La Cour de cassation a en outre considéré qu’une baisse de rentabilité ne suffisait pas à caractériser l’existence de difficultés économiques ou d’une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise à la date du licenciement (Cass. soc 22 janv. 2014 n° 12-23045).

Le licenciement pour motif économique s’accompagne, au surplus, d’une obligation préalable de reclassement

De ce fait, il « ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure » (article L 1233-4 du Code du travail).

Lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l’employeur devait demander au salarié, préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation (article L 1233-4-1 du Code du travail).

Mais cette disposition a été abrogée par la loi Travail en 2016.

Une obligation de reclassement parfois renforcée

En cas de contestation de son licenciement par un salarié, le débat porte habituellement devant la juridiction prud’homale sur les deux points évoqués (cause économique et/ou obligation de reclassement).

Certaines conventions collectives et plusieurs accords interprofessionnels contribuent à renforcer l’exigence de reclassement pesant sur l’employeur, en prévoyant la saisine par celui-ci, préalablement au licenciement, d’une commission paritaire.

C’est ainsi, entre autres, que l’accord national interprofessionnel du 10 février 1969, auquel renvoie l’article 25 de la convention collective nationale de la fabrication de l’ameublement, met à la charge de l’employeur une obligation de saisir la commission paritaire de l’emploi préalablement aux licenciements envisagés.

La Cour de cassation a considéré qu’en cas de défaillance de l’employeur à saisir cette commission paritaire, la méconnaissance de cette obligation prive les licenciements de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 8 juill. 2014 n° 13-14609).

Au demeurant, une solution identique avait été rendue il y a quelques années dans un arrêt Moulinex.

La convention collective de la métallurgie, qui s’appliquait à cette entreprise, renvoie aux dispositions de l’accord national du 12 juin 1987 sur les problèmes généraux de l’emploi dans la métallurgie, qui oblige l’employeur à saisir, préalablement à la notification des licenciements, les commissions territoriales de l’emploi compétentes.

L’employeur n’avait pas fait appel à ces commissions territoriales, et les licenciements des salariés ont en conséquence été jugés injustifiés (Cass. soc 26 sept. 2012, n° 10-25926, Cass. soc 18 février 2014 n° 12-18029).

Il importe en effet de rappeler que le licenciement d’un salarié ne peut intervenir qu’en dernière hypothèse, et que l’employeur doit privilégier tous les moyens permettant la sauvegarde de l’emploi, de sorte que sa négligence à saisir une commission de l’emploi, susceptible de proposer une solution, est fautive.

L’obligation de reclassement exige également de l’employeur qu’il fasse des propositions personnelles au salarié et procède à un examen individuel des possibilités de son reclassement.

Les Hauts magistrats ont néanmoins nuancé cette exigence en précisant que « si l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi, au besoin en leur assurant une formation complémentaire, il ne peut lui être imposé d’assurer la formation initiale qui leur fait défaut » (Cass. soc 2 juill. 2014 n° 13-13876).

La nécessaire incidence de la cause économique sur l’emploi du salarié

On complétera cet aperçu en rappelant qu’un licenciement pour motif économique doit au surplus résulter d’une suppression ou transformation d’emploi, ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail (article L 1233-3 du Code du travail).

A cet égard, la Cour de cassation juge avec une parfaite constance que la lettre de licenciement doit comporter non seulement l’énonciation des difficultés économiques, mutations technologiques ou de la réorganisation de l’entreprise, mais également l’énonciation des incidences sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié licencié de ces éléments ; à défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc 12 fév. 2014 n° 12-25794).

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