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A quel moment, l’employeur doit-il remettre au salarié l’attestation destinée à France Travail ?

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Ce que prévoit le Code du travail

La rupture du contrat de travail d’un salarié oblige l’employeur à lui remettre plusieurs documents qui lui permettront de faire valoir ses droits.

Mais la rigueur des employeurs à respecter cette obligation est souvent prise en défaut.

Parmi ces documents, l’attestation destinée à France Travail occupe une importance particulière, car elle est nécessaire pour que le salarié puisse percevoir des allocations chômage.

Il est donc indispensable que l’employeur remette cette attestation à l’intéressé sans tarder afin qu’il soit en mesure de valider son inscription auprès du service public de l’emploi.

Le Code du travail fixe un délai, en indiquant que « l’employeur délivre cette attestation au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail » (article R 1234-9 du Code du travail).

Ce moment se situe, en cas de licenciement, à la date de fin du préavis, exécuté ou non.

Lorsque le salarié est licencié pour faute grave, la rupture du contrat de travail est fixée à la date de notification du licenciement, la faute grave étant privative du préavis.

Enfin, en cas de rupture conventionnelle, la date envisagée de rupture du contrat de travail est mentionnée expressément dans le formulaire rempli et signé par les deux parties.

Force est cependant de constater que, rares sont les employeurs qui respectent ces exigences et remettent l’attestation destinée à France Travail aux salariés « au moment » de l’expiration ou de la rupture de leur contrat de travail.

Cette remise étant en réalité effectuée à leur bon vouloir, à un moment qui n’est pas celui indiqué dans le code du travail.

Ce que disent les Juges

Précisions tout d’abord que l’attestation destinée à France Travail doit être appliquée à tous les cas d’expiration ou de rupture du contrat de travail, y compris en cas de démission, et alors même que le salarié ne peut prétendre au paiement d’allocations de chômage du fait de la démission (Cass. Soc. 15 mars 2017 n° 15-21232).

Une récente décision apporte en outre un éclairage intéressant, d’autant que les décisions à ce sujet sont rares.E cas de faute grave, l'attestation destinée à France Travail doit être remise à la date de notification du licenciement

Une salariée avait été licenciée pour faute grave le 9 avril 2018.

L’employeur lui remet les documents de fin de contrat (certificat de travail, solde de tout compte, attestation destinée à France Travail) le 6 juin 2018, soit près de deux mois plus tard.

La salariée, qui contestait son licenciement, demande également à la juridiction prud’homale de condamner l’employeur à l’indemniser pour sa remise tardive.

Le fautif soutient alors que les documents doivent être remis au salarié à l’expiration du contrat de travail, c’est-à-dire à l’issue du préavis, qu’il soit effectué ou non (étant rappelé qu’il n’y a pas de préavis en cas de faute grave), ce qu’il a fait.

L’argumentation, aussi surprenante soit-elle, avait néanmoins convaincu la Cour d’appel.

La Cour de cassation réfute toutefois cette position et recadre les Juges d’appel, en énonçant :

En cas de licenciement pour faute grave, l’employeur délivre ces documents au salarié dès la rupture, qui intervient au moment de la notification du licenciement (Cass. Soc. 3 sept. 2025 n° 24-16546).

C’était donc lorsque la lettre de licenciement a été notifiée à l’intéressé que les documents de fin de contrat, et notamment l’attestation destinée à France Travail, devaient être remis à l’intéressé, et pas plus tard.

Ce que font les employeurs

De manière assez habituelle, les employeurs se soucient peu des dispositions du Code du travail leur imposant un délai précis pour remettre l’attestation destinée à France Travail et les autres documents de rupture.

Le salarié est alors tributaire, comme dans cette affaire, du bon vouloir du service paie de l’entreprise, ou de son comptable si la paie est externalisée.

Les paies d’une entreprise étant établies à la fin du mois, il est ainsi courant qu’un salarié dont le contrat de travail a été rompu, quelle qu’en soit la cause (démission, licenciement, rupture conventionnelle), doive attendre patiemment cette échéance.

C’est en effet fréquemment dans le même temps qu’il procède en fin de mois au décompte des sommes dues au salarié, que l’employeur lui délivre l’attestation destinée à France Travail, sans égard pour la date effective d’expiration de son contrat de travail.

Ainsi, un salarié dont le contrat aura pris fin au début du mois devra patienter plusieurs semaines avant d’obtenir le fameux Graal.

Les relances et autres lettres recommandées sont souvent de peu d’effet, l’employeur ne consentant que rarement à bousculer son ordonnancement habituel.

Il est donc bien rare que la demande du salarié soit exécutée, quand bien même il a eu la chance d’obtenir une réponse…

Ce que peut faire le salarié ?

La remise tardive de l’attestation destinée à France travail peut nourrir chez le salarié un sentiment légitime d’injustice.

Évidemment, la tentation est grande de vouloir obtenir réparation après que ses demandes se sont heurtées à un mur, ou dans le meilleur des cas, que l’employeur l’a exhorté à la patience au mépris de ses obligations légales.

Celui-ci aura finalement envoyé l’attestation à l’intéressé avec un retard conséquent, sans un mot d’explication, et moins encore d’excuse.

Malheureusement, l’évolution de la jurisprudence conforte les employeurs dans leur posture.

En effet, si avant 2016, elle instituait une présomption de préjudice du fait de la remise tardive, elle a toutefois été remise en cause à l’occasion d’une décision exigeant des salariés qu’ils justifient de l’existence d’un préjudice (Cass. Soc. 13 avril 2016 n° 14-28293).

Désormais, le salarié doit donc établir le préjudice que lui a causé cette remise tardive.

Or, la croyance que la non remise par l’employeur de l’attestation France Travail lui permettant de s’inscrire au chômage entraîne nécessairement un préjudice pour le salarié, n’est pas partagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui censure cette affirmation (Cass. Soc. 14 fév. 2018 n° 16-21524).

Certes, le préjudice est souvent réel lorsqu’il faut attendre deux mois avant de pouvoir bénéficier des allocations chômage, mais il convient de ne pas perdre de vue le coût d’un litige prud’homal (les frais d’avocat), au regard des délais et de la faible indemnité à escompter.

En tout état de cause, il demeure une solution efficace si l’employeur tarde à remettre l’attestation au salarié : saisir le Conseil de Prud’hommes en référé (formulaire ici).

A défaut de percevoir des dommages intérêts, le salarié aura au moins la satisfaction de voir l’employeur condamné à lui remettre ce document (et ne pas oublier de demander sa condamnation sous astreinte).