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Réforme prud’homale : ce qui change au 1er août 2016

Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La saisine du Conseil de Prud’hommes

Le 1er août 2016 marque le point de départ de l’entrée en vigueur de l’ensemble des dispositions du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, après qu’une période transitoire ait retardé de quelques mois l’application de certaines mesures nécessitant la préparation des esprits, et accessoirement leur formation.

Cette réforme va opérer un changement significatif de la procédure prud’homale.

Dorénavant seuls les avocats et les défenseurs syndicaux auront qualité pour assister les justiciables devant les juridictions prud’homales.

L’introduction de l’instance se fait par une requête exposant sommairement les motifs de la demande, accompagnée des pièces que le salarié souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions (article R 1452-2 du Code du travail).

L’oralité de la procédure, qui constituait une des particularités de la juridiction prud’homale, s’estompera au profit d’un formalisme plus exigeant.

Les nouveautés du Bureau de conciliation

Comme précédemment, la première étape se déroule devant le bureau de conciliation et d’orientation, qui entend les explications des parties et s’efforce de les concilier (article R 1454-10 du Code du travail).

Mais désormais, si une partie, ne justifiant pas d’un motif légitime, ne comparaît pas, personnellement ou n’est pas représentée (par un avocat), le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués (article L 1454-1-3 du Code du travail).

Ce texte constitue une vive incitation à destination des employeurs qui seraient tentés de s’abstenir de se présenter ou de se faire représenter à cette audience qu’il considérerait comme inutile.

Rappelons en outre que le défendeur (employeur), qui ne comparaît pas lors de l’audience de conciliation, pourra au surplus être condamné au paiement de provisions sur salaires, accessoires de salaires, commissions, ainsi que diverses indemnités, dans la limite de six mois de salaire, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable (articles R 1454-14 et R 1454-15 du Code du travail).Au 1er août 2016, la procédure applicable devant les conseils de prud'hommes est radicalement modifiée

En cas d’échec de la conciliation, il est prévu l’instauration d’une mise en état assurée par le Bureau de Conciliation et d’orientation jusqu’à la date qu’il fixe pour l’audience de jugement (article R 1454-1 du Code du travail).

Cette mise en état devrait avoir pour vertu de vérifier que les parties se sont échangées de façon effective leurs pièces et écritures avant que l’affaire soit plaidée, de sorte que cessent ainsi les nombreux renvois intempestifs et/ou dilatoires, qui sont souvent cause d’une résolution tardive des litiges.

L’avocat aura à cet égard l’obligation d’établir des conclusions écrites exposant les moyens de fait et de droit de chacune des prétentions de son client (article R 1453-5 du Code du travail), ce qui était au demeurant une pratique courante, pour ne pas dire systématique.

Les particularités applicables aux licenciements économiques

Il convient également de relever qu’en cas de recours portant sur un licenciement pour motif économique, l’employeur doit déposer ou adresser au greffe, dans un délai de huit jours à compter de la date à laquelle il reçoit la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, tous les éléments fournis aux représentants du personnel ou, à défaut de représentants du personnel dans l’entreprise, tous les éléments fournis à l’autorité administrative, relatifs aux motifs de cette procédure de licenciement.

Cette exigence, qui existait précédemment, était globalement peu respectée des employeurs ; la nouveauté réside dans le fait que désormais, dans le même délai de huit jours, il devra adresser ces éléments au salarié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (article R 1456-1 du Code du travail).

Le texte ne prévoit cependant aucune sanction en cas de violation, ce qui laisse craindre que les mêmes mauvaises pratiques perdurent.

Devant la Cour d’appel : une procédure avec représentation obligatoire

La grande nouveauté de cette réforme, qui aura peu d’effet à l’égard des justiciables, résulte du fait que l’appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire (article R 1561-2 du Code du travail).

De sorte que la procédure devant la Chambre sociale de la Cour d’appel est écrite, et non plus orale.

De strictes délais sont fixés aux parties pour régulariser leurs conclusions, l’appelant dispose à cet égard d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour conclure, et l’intimé d’un délai de deux mois pour y répondre (articles 908 et 909 du Code de procédure civile).

Ces délais constituent des dates butoirs et leur respect conditionne la recevabilité des écritures des parties.

Ainsi, même si l’audience de plaidoirie est maintenue, sa portée doit être relativisée, car les Conseillers tiendront compte uniquement des écritures qui leur sont soumises.

Au demeurant, il est désormais habituel que les magistrats demandent aux avocats de plaider « par observation », en dix minutes.

On s’était interrogé sur le point de savoir si la représentation devant la Cour serait réservée aux seuls avocats inscrits auprès du Barreau situé à proximité de la juridiction saisie (règle de la « postulation »).

Dans un avis du 5 mai 2017, la Cour de cassation a, heureusement, écarté cette règle (5 mai 2017, 17-70.005).

Elle a considéré que « l’application des dispositions du code de procédure civile relatives à la représentation obligatoire devant la cour d’appel statuant en matière prud’homale n’implique pas la mise en œuvre des règles de la postulation devant les cours d’appel, les parties pouvant être représentées par tout avocat, si elles ne font pas le choix d’un défenseur syndical ».

A titre dérogatoire, un avocat peut donc plaider devant toute Cour d’appel située en France, en matière prud’homale.