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Peut-on être licencié après avoir conclu une rupture conventionnelle ?

Par Franc Muller – Avocat rupture conventionnelle , Paris

 

La rupture conventionnelle : un mécanisme simplifié de rupture du contrat de travail

La rupture conventionnelle permet à l’employeur et au salarié de rompre d’un commun accord le contrat de travail qui les lie avec un formalisme réduit.

Son succès ne se dément pas, malgré l’augmentation de la part contributive mise à la charge de l’employeur, qui est passée de 20 à 30 %.

A la différence du licenciement, qui nécessite l’application d’une procédure particulière et l’énonciation d’un motif, la rupture conventionnelle a le mérite de la simplicité et se résume à peu de formalités.

Les parties se contentent de remplir un formulaire administratif dans lequel sont notamment renseignés la date de fin du contrat de travail et le montant de l’indemnité de rupture dont bénéficie le salarié.

Outre la validité du consentement, la rupture conventionnelle requiert deux exigences : l’application d’un délai de rétractation, qui est de 15 jours calendaires après la date de signature de la convention, et son homologation par l’autorité administrative (articles L 1237-13 et L 1237-14 du Code du travail).

La date de la rupture conventionnelle ne pouvant être que postérieure à celle de son homologation.

Si la pratique habituelle est de prévoir une date de fin de contrat qui coïncide avec la date envisagée d’homologation par l’autorité administrative, les parties sont libres de fixer une date plusieurs mois après l’homologation.

La commission par le salarié d’une faute après la signature de la convention de rupture affecte-t-elle la validité de la rupture conventionnelle ? plusieurs cas sont à distinguer.

Quid si le salarié exerce son droit de rétractation après avoir commis une faute ?

La Cour de cassation a apporté une première réponse à propos d’un salarié ayant conclu une rupture conventionnelle après que son employeur avait engagé une procédure disciplinaire à son encontre.

L’intéressé avait, lors d’une réunion de travail, dit au représentant d’un fournisseur « je t’emmerde », l’employeur lui prêtant par ailleurs des « débordements comportementaux réitérés et imprévisibles ».

Il avait alors engagé à son encontre une procédure en vue d’un licenciement pour faute grave.En cas de rétractation, si le salarié a commis une faute, l'employeur retrouve son pouvoir disciplinaire

Mais le jour de l’entretien préalable, les parties avaient finalement choisi de conclure une rupture conventionnelle.

Quelques jours plus tard, le salarié s’était rétracté.

L’employeur avait alors repris la procédure disciplinaire et l’avait licencié pour faute grave, en invoquant les fautes qu’il lui reprochait.

La Cour de cassation avait jugé que :

« la signature par les parties au contrat de travail d’une rupture conventionnelle, après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement, n’emporte pas renonciation par l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire ».

Elle avait ensuite considéré que si le salarié exerce son droit de rétractation de la rupture conventionnelle, l’employeur est fondé à reprendre la procédure disciplinaire par la convocation du salarié à un nouvel entretien préalable et à prononcer une sanction, y compris un licenciement pour faute grave (Cass. Soc. 3 mars 2015 n° 13-15551).

Le salarié avait donc exercé son droit de rétractation à ses risques et périls, la reprise de la procédure et son licenciement pour faute grave ayant été validés.

La commission par le salarié d’une faute après du délai de rétractation, mais avant la date prévue de fin du contrat de travail

Toute autre est la situation d’un salarié ayant conclu une rupture conventionnelle avec son employeur, et auquel des faits fautifs sont reprochés entre la période comprise entre la fin du délai de rétractation et la date d’expiration du contrat de travail.

Un salarié et son employeur avaient signé une rupture conventionnelle le 15 janvier 2018, devant prendre effet le 30 juin 2018 et prévoyant le versement d’une indemnité spécifique de rupture.

Aucun des deux ne s’étant rétracté, la convention avait été adressée à la DRIEETS et avait fait l’objet d’une homologation.

Après la date de fin du délai de rétractation et avant le 30 juin 2018, qui était la date d’effet envisagée de la rupture conventionnelle, l’employeur avait eu connaissance de graves manquements du salarié commis au cours de cette période.

Il s’agissait de faits de harcèlement sexuel.

Il avait alors convoqué l’intéressé le 11 avril 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, puis l’avait licencié pour faute grave le 23 avril 2018.

Le salarié contestait cette procédure et soutenait que la rupture conventionnelle qu’il avait conclue antérieurement était applicable.

La position de la Cour de cassation

La Cour d’appel avait débouté le salarié et fait prévaloir le licenciement pour faute grave.

Elle jugeait en effet que les faits de harcèlement sexuel reprochés étaient établis, de sorte qu’ils rendaient impossible son maintien dans l’entreprise, impliquant son éviction immédiate.

Elle estimait que licenciement pour faute grave était fondé et que ce licenciement avait rompu le contrat de travail avant la date d’effet de la convention de rupture.

Le salarié ne percevait donc aucune indemnité de rupture conventionnelle.

Cette analyse n’est cependant pas celle adoptée par la Cour de cassation.

Celle-ci considère tout d’abord :

Qu’en l’absence de rétractation de la convention de rupture, l’employeur peut licencier le salarié pour faute grave, entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle, pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période.

La procédure de licenciement peut donc être valablement engagée lorsque l’employeur a découvert des faits fautifs au cours de la période litigieuse.

Elle ajoute cependant :

Toutefois, la créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigible qu’à la date fixée par la rupture, naît dès l’homologation de la convention, le licenciement n’affectant pas la validité de la rupture conventionnelle, mais ayant seulement pour effet, s’il est justifié, de mettre un terme au contrat de travail avant la date d’effet prévue par les parties dans la convention (Cass. Soc. 25 juin 2025 n° 24-12096).

En d’autres termes, dès lors que l’homologation de la rupture conventionnelle est acquise, l’indemnité de rupture conventionnelle est due au salarié.

Le licenciement, intervenu postérieurement n’a pas remis en cause la validité de la rupture conventionnelle, qui a été homologuée.

Il a seulement pour effet d’abréger la date de rupture du contrat de travail.