Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris
Bref rappel des dispositions légales applicables :
Le père d’un enfant qui vient de naître bénéficie-t-il de la même protection contre le licenciement que la mère de l’enfant, plus particulièrement est-il protégé contre les actes préparatoires à son licenciement entrepris par l’employeur au cours de la période pendant laquelle il a pris ses congés et les dix semaines qui la suivent ?
L’article L 3142-4 du Code du travail accorde 3 jours de congés au père pour chaque naissance d’un enfant ou d’une adoption.
Par ailleurs, il bénéficie d’un congé de paternité de 11 jours consécutifs, dont l’annonce a été faite il y a peu qu’il serait porté prochainement à 28 jours (article L 1225-35 du Code du travail).
Le code du travail assure une protection au père contre le licenciement en prévoyant qu’aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant, sauf s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant (article L 1225-4-1 du Code du travail).
Ces dispositions sont inspirées de la protection dont bénéficie la mère de l’enfant, qui ne peut être licenciée, hormis les exceptions précitées, pendant une période qui court de son état de grossesse médicalement constaté à dix semaines après son congé de maternité, ajouté de la période de ses congés payés lorsqu’elle les a pris immédiatement après son congé de maternité (article L 1225-4 du Code du travail).
Tout licenciement prononcé en méconnaissance de ces dispositions est nul (article L 1225-70 du Code du travail), de sorte que l’intéressé(e) peut soit obtenir sa réintégration dans l’entreprise si la juridiction prud’homale l’ordonne, ou à défaut des dommages intérêts de nature à réparer le préjudice qu’il ou elle a subi.
Par ailleurs, la jurisprudence assure également à la mère de l’enfant une protection contre les mesures préparatoires à son licenciement qui pourraient être prises par l’employeur (Cass. Soc. 15 sept. 2010 n° 08-43299).
La Chambre sociale de la Cour de cassation considère que « constituent des mesures préparatoires au licenciement le rassemblement des éléments de preuve et la collecte d’attestations en vue d’étayer le licenciement d’une salariée notifié à l’expiration de son congé de maternité » (Cass. Soc. 6 nov. 2019 n° 18-20909).
La cour de cassation a été saisie d’un litige portant sur le point de savoir si le père d’un enfant se voyait également accorder une telle protection contre les actes préparatoires au licenciement
Un salarié annonce à son employeur le 4 septembre 2015 que sa femme est enceinte et que le terme est prévu à la fin du mois de novembre.
Le 12 novembre 2015, il l’informe qu’elle devrait accoucher le 20 novembre suivant et qu’il sera absent en conséquence trois jours, du 23 au 25 novembre 2015, conformément à l’article L 3142-4 3 du code du travail.
Il est convoqué à un entretien préalable à son licenciement par lettre du 26 novembre 2015, puis licencié pour insuffisance professionnelle le 23 décembre 2015, ce qui fait toujours plaisir à l’approche de Noël et des fêtes de fin d’année, et après la naissance de son enfant…
La période de protection de quatre semaines accordée au père de l’enfant expirait le 18 décembre 2015 (la protection légale de quatre semaines et a, depuis, été étendue à dix semaines par la loi Travail du 8 août 2016).
Le salarié avait saisi la juridiction prud’homale de la contestation de son licenciement, reprochant à son employeur d’avoir accompli des actes préparatoires pendant qu’il était protégé.
Il s’appuyait notamment sur deux circonstances : d’une part, alors que son entretien annuel d’évaluation s’était déroulé le 11 décembre 2014, l’employeur le lui avait notifié le 27 novembre 2015, onze mois plus tard, accréditant ainsi le fait qu’il souhaitait donner de la consistance à son licenciement pour insuffisance professionnelle, d’autre part, sa lettre de convocation à l’entretien préalable lui avait été adressée pendant la période litigieuse.
La Cour d’appel avait été sensible à ces arguments et avait jugé que le licenciement du salarié était nul, ordonnant sa réintégration dans l’entreprise.
Elle considérait que l’intéressé devait bénéficier, à l’égal de la mère, de la protection contre les actes préparatoires, sa décision n’établissant pas de distinction entre le père et la mère, se fondait sur l’interprétation du droit communautaire par la jurisprudence de la la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE, 11 octobre 2007, aff. 460/06, Paquay).
L’employeur soutenait au contraire que l’interdiction des mesures préparatoires s’inscrivait exclusivement dans le cadre de l’application de l’article L 1225-4 du code du travail, protégeant la maternité, ce qui excluait que le salarié puisse s’en prévaloir et avait donc formé un pourvoi en cassation.
La Chambre sociale de la Cour de cassation donne raison à cet employeur
Elle juge en effet que l’article du Code du travail accordant une protection au père après la naissance de son enfant (article L 1225-4-1 du code du travail) ne met pas en œuvre la directive européenne concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992) (Cass. Soc. 30 sept. 2020 n° 19-12036).
En conséquence, le salarié ne pouvait utilement invoquer la jurisprudence de l’Union Européenne , la protection contre les actes préparatoires au licenciement accomplis pendant la période suivant la naissance de l’enfant, ne s’applique pas au père.