Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Pas d’insuffisance professionnelle si l’employeur n’a pas exécuté ses obligations

Le licenciement pour insuffisance professionnelle est un motif fréquemment invoqué par l’employeur qui licencie un salarié pour motif personnel.

L’insuffisance professionnelle est habituellement définie comme une incapacité objective et durable d’un salarié d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification.

Il en résulte que l’employeur n’est pas exempt de responsabilité dans la défaillance du salarié lorsqu’il n’a pas rempli une double obligation à son égard.

1) D’une part, l’employeur a l’obligation de former le salarié aux fonctions qu’il lui confie et doit s’assurer de l’adaptation de l’intéressé à l’évolution de son emploi, conformément aux exigences du Code du travail (article L 6321-1)

Il ne peut donc licencier un salarié sans avoir, au préalable, rempli son obligation de formation en adéquation avec son poste en l’ayant fait bénéficier des formations nécessaires en lien avec les fonctions qu’il exerce.

2) Il doit en outre mettre à la disposition du salarié les moyens lui permettant d’accomplir ses fonctionsrupture du contrat de travail

C’est ainsi qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le licenciement d’un salarié pour insuffisance professionnelle en raison d’une insuffisance de résultats, alors que celle-ci n’était pas imputable au salarié mais au caractère irréaliste des objectifs fixés par l’employeur ainsi qu’à son défaut de conseil et d’accompagnement apportés au salarié (Cass. Soc. 6 mai 2018 n° 16-25689).

Il vient également d’être jugé que le licenciement pour insuffisance professionnelle d’une salariée était infondé, alors que l’employeur lui reprochait de ne pas avoir procédé à des contrôles mis à sa charge, bien qu’il ne justifiait pas avoir mis à la disposition de la salariée les moyens nécessaires pour l’accomplissement de l’ensemble de ses fonctions (Cass. Soc. 18 mai 2022 n° 20-19524).

Licenciement pour insuffisance professionnelle et dispositions conventionnelles (convention collective de la banque)

Les partenaires sociaux ont parfois pris en considération ces exigences dans l’élaboration de la convention collective.

C’est notamment le cas dans le secteur bancaire, où la convention collective contient des dispositions qui se peuvent se révéler d’un secours appréciable pour le salarié.

L’article 26 de la convention collective de la banque, applicable au licenciement pour motif non disciplinaire, prévoit en effet qu’avant d’engager la procédure de licenciement, l’employeur doit avoir considéré toutes solutions envisageables, notamment recherché le moyen de confier au salarié un autre poste lorsque l’insuffisance résulte d’une mauvaise adaptation de l’intéressé à ses fonctions.

La Chambre sociale de la Cour de cassation juge en conséquence que la méconnaissance par l’employeur de cette obligation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 17 déc. 2014 n° 13-22890).

A ainsi été jugé injustifié, le licenciement d’un salarié auquel il était fait grief l’existence de carences techniques et d’insuffisances professionnelles, et de n’être pas parvenu à atteindre le niveau requis pour son positionnement au sein de la banque, alors que l’employeur ne justifiait, ni n’alléguait, avoir considéré toutes solutions envisageables préalablement à l’engagement de la procédure de licenciement et n’avait pas recherché le moyen de confier au salarié un autre poste.

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