Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Durée de la protection

Le Code du travail assure une protection de la salariée enceinte avant même la conclusion du contrat de travail ainsi que pendant la durée de la relation contractuelle, y compris lorsque la salariée est en période d’essai.

L’article L 1225-1 du Code du travail prévoit en effet que l’employeur ne doit pas prendre en considération l’état de grossesse d’une femme pour refuser de l’embaucher, rompre son contrat de travail au cours d’une période d’essai, ou prononcer sa mutation.

Il détermine en outre une durée de protection précise.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et jusqu’à une période de 10 semaines suivant l’expiration de son congé de maternité, période allongée de la durée des congés payés, lorsqu’ils ont été pris immédiatement après le terme du congé de maternité (article L 1225-4 du Code du travail).

Le point de départ de la protection est constitué par la date à laquelle la salariée informe son employeur qu’elle est enceinte.

Comment souvent lorsque survient un litige, la difficulté consistera à rapporter la preuve de la connaissance par l’employeur de l’état de la salariée ; aussi afin de prévenir toute difficulté, l’intéressée sera avisée, dès que son médecin aura établi un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement, de le remettre à son employeur contre décharge ou lui envoyer par lettre recommandé avec demande d’avis de réception.

Cette formalité est importante car le code du travail l’impose pour que la salariée bénéficie de la protection évoquée (article R 1225-1 du Code du travail).

Il a néanmoins été jugé qu’il ne s’agissait pas d’une formalité substantielle et que la protection s’appliquait lorsque l’employeur avait connaissance, lors du licenciement, de la grossesse de la salariée, quand bien même elle n’aurait pas respecté le formalisme exigé (Cass. Soc. 11 déc. 2013 n° 12-23687).

L’interdiction des actes préparatoires au licenciement

Non seulement l’employeur ne peut licencier une salariée pendant la période de protection, mais il lui est également interdit de prendre des mesures préparatoires à une telle décision (Cass. Soc. 1er fév. 2017 n° 15-26250).

A ce titre, la Cour de cassation considère que l’employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l’entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l’entretien ait lieu à l’issue de cette période.

Ainsi, le contrat de travail d’une salariée était suspendu du 8 septembre 2017 au 24 janvier 2018 en raison de son congé maternité et des congés payés pris immédiatement après, la reprise effective du travail étant fixée au 25 janvier 2018.

Elle a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement par lettre du 16 janvier 2018, l’entretien étant fixé au 10 avril 2018.

L’intéressée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 1er mai suivant.

Sa demande d’annulation de son licenciement est approuvée par la Haute juridiction, qui juge qu’il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision (Cass. soc. 29 nov. 2023 n° 22-15794).

Un licenciement annulé en cas d’information de l’employeur dans les 15 jours de la notification du licenciement

De surcroit, le licenciement d’une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur, un certificat médical justifiant de son état de grossesse (article L 1225-5 du Code du travail).

La protection n’est toutefois pas absolue car l’employeur conserve la possibilité de rompre le contrat de travail dans deux situations particulières : lorsqu’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à son état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement (article L 1225-4 al. 2).

Si la faute grave évoque une qualification juridique connue en droit du travail, « l’impossibilité de maintenir le contrat » suscite davantage d’interrogation.

Le voile se lève progressivement à travers l’examen des décisions rendues par la Chambre sociale de la Cour de cassation.

On observe à cet égard que la Haute juridiction en donne une interprétation stricte, assurant de la sorte efficacement la protection conférée par le législateur.

Elle exige ainsi que la lettre de licenciement mentionne expressément, outre les raisons de la rupture, l’impossibilité dans laquelle se trouve l’employeur de maintenir le contrat (Cass. Soc. 3 nov. 2016 n° 15-15333, Cass. Soc. 7 déc. 2017 n° 16-23190).

Elle considère en outre avec constance qu’un licenciement pour motif économique ne constitue pas une impossibilité de maintenir le contrat (Cass. Soc. 14 déc. 2016 n° 15-21898, Cass. Soc. 11 déc. 2013 n° 12-22969).

En revanche, la cessation d’activité de l’entreprise semble caractériser cette impossibilité (Cass. Soc. 26 sept. 2012 n° 11-17420).

L’irrespect par l’employeur de ses obligations légales peut également valablement conduire la salariée à prendre acte de la rupture de son contrat de travail

Tel était le cas lorsqu’un employeur avait tenu des propos menaçants à l’encontre d’une salariée à l’annonce de sa grossesse, omis d’organiser l’examen médical de l’intéressée par le médecin du travail à sa demande, n’avait pas transmis à l’assurance maladie les attestations de salaire entraînant un retard dans la perception des indemnités journalières, et avait tardé à transmettre ses arrêts de travail à l’organisme de prévoyance.

De tels manquements empêchaient la poursuite du contrat de travail et justifiaient la prise d’acte par la salariée (Cass. Soc. 23 mai 2017 n° 16-15968).

On rappellera en dernier lieu que l’inobservation par l’employeur des dispositions relatives à la protection de la grossesse et de la maternité est sanctionnée par la nullité, ouvrant droit le cas échéant à une indemnité qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire, et échappant à l’étau du barème « Macron » (article L 1235-3-1 du Code du travail).

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