Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

La précipitation est en toute circonstance mauvaise conseillère !

Un salarié, condamné à payer à son employeur une indemnité d’un montant très élevé, en réparation de la violation de la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail, dont il s’était cru trop rapidement délié, méditera avec profit cet aphorisme.

Ce salarié avait été engagé en qualité d’ingénieur commercial, et son contrat de travail comportait une clause de non-concurrence qui lui faisait interdiction de travailler pour une entreprise concurrente pendant une durée d’un an après la rupture de son contrat.

Il avait démissionné le 7 septembre 2009 et s’était vu rappeler par son employeur le 17 septembre 2009 l’obligation de non-concurrence à laquelle il tait tenu.

La démission ne dispense pas le salarié de l’exécution de son préavis, de sorte qu’il est normalement assujetti à en poursuivre l’accomplissement jusqu’à son terme.

Mais en l’espèce, un accord était manifestement intervenu entre les parties, et le salarié en avait été dispensé à compter du 23 octobre 2009.

Quelques jours plus tard, le 2 novembre 2009, il était embauché en qualité de directeur par une entreprise exerçant une activité concurrente de celle de l’employeur qu’il venait de quitter.

Ce dernier, qui s’estimait floué, avait informé le salarié le 5 novembre 2009 de la « suspension » du paiement de l’indemnité contractuelle en raison de l’inexécution de ses obligations, et avait saisi le Conseil de Prud’hommes pour obtenir, notamment, le paiement d’une indemnité pour violation de la clause de non-concurrence.

Il convient au demeurant de rappeler qu’une clause de non-concurrence est licite, pour autant :

  • qu’elle soit indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,
  • qu’elle soit limitée dans le temps et l’espace, ce qui implique que son secteur
    Non-respect d’une clause de non-concurrence par un salarié

    Non-respect d’une clause de non-concurrence par un salarié

    géographique soit précisément défini,

  • qu’elle tienne compte des spécificités de l’emploi du salarié, et qu’elle ne lui interdise pas d’exercer une activité professionnelle conforme à sa formation et à son expérience professionnelle,
  • qu’elle comporte une contrepartie financière, qui n’est pas dérisoire,

Ces conditions étant cumulatives.

La Cour d’appel avait considéré que le salarié avait violé son obligation de non-concurrence et l’avait condamné à payer à son ancien employeur la somme de 120 000 € en réparation du préjudice qu’il avait subi.

Le salarié avait alors formé un pourvoi et soutenait entre autre, pour s’affranchir de la clause de non concurrence, qu’il disposait d’une expérience qui ne lui permettait de faire valoir ses talents et de maintenir son niveau de rémunération que dans le seul domaine très pointu, au sein duquel œuvrait son nouvel employeur.

Il ajoutait en outre qu’il avait quitté la société qui l’employait le 23 octobre 2009, et qu’il n’avait toujours pas reçu l’indemnité qui lui était due le 31 octobre 2009, ce dont il pensait pouvoir conclure qu’il était libéré dès cette date de cette interdiction, en raison de l’inexécution par son ancien employeur de son obligation de paiement.

Ces arguments n’ont pas davantage convaincu la Cour de cassation, qui vient de juger,  tout d’abord, que le salarié disposant d’une expérience professionnelle et d’une formation qui ne le limitaient pas au secteur d’activité litigieux, la clause n’avait pas pour effet d’empêcher le salarié d’exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience.

La Haute Cour souligne en outre, et c’est là où réside l’intérêt de cet arrêt, qu’il ne s’était écoulé que quelques jours entre le départ du salarié de l’entreprise, à la suite de la dispense d’exécution du préavis, et la décision de l’employeur de ne pas verser la contrepartie financière, ce dont elle déduit que ce délai ne suffisait pas à libérer le salarié de son obligation, qu’il avait aussitôt méconnue en passant au service d’une entreprise concurrente (Cass. soc 20 nov. 2013 n° 12-20074).

Ce n’est donc pas parce que le salarié n’avait pas perçu l’indemnité de non concurrence, huit jours après que l’employeur en ait été redevable qu’il pouvait estimer en être délié.

D’un point de vue strictement pratique, on ne peut s’empêcher d’observer que le salarié avait pris de grands risques.

L’on conçoit aisément qu’il ait présenté sa démission après avoir trouvé un nouvel emploi, ce qui n’est évidemment pas répréhensible.

Cependant, il est important de rappeler que les clauses de non concurrence ne peuvent être ignorées, ni sous-estimées, quand bien même l’attrait d’un emploi plus qualifié et plus rémunérateur chez un concurrent constitue une opportunité difficile à refuser.

Mais lorsque la clause de non-concurrence est valide, elle constitue une redoutable obligation, qui doit malheureusement être prise sérieusement en considération.

Il serait en tout état de cause très présomptueux d’imaginer qu’un employeur, frustré par le départ d’un salarié qu’il appréciait, renoncera à s’en prévaloir.

En dernière hypothèse, si le risque encouru est justement évalué, il est possible de négocier sa prise en charge par le nouvel employeur.

L’affaire Baby loup
La mobilité du salarié