Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Les conditions de validité d’une clause de non-concurrence sont inchangées depuis 2002

La validité d’une clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail d’un salarié est subordonnée à l’existence des conditions cumulatives suivantes : être limitée dans le temps et dans l’espace, prévoir l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, dont le montant n’est pas dérisoire.

S’y ajoutent deux exigences supplémentaires tenant l’une, à la protection du salarié, l’autre à celle de l’entreprise.

La clause de non-concurrence ne doit pas faire obstacle au principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle par le salarié et être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise.

Lorsque ces deux exigences sont en confrontation, il appartient au juge, en présence d’une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail, même indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise mais entravant la liberté de travail du salarié en l’empêchant d’exercer une activité professionnelle conforme à sa formation et à son expérience professionnelle, d’en restreindre l’application en en limitant l’effet dans le temps, l’espace ou ses autres modalités (Cass. Soc. 18 sept. 2002 n° 00-42904).

Quid de l’intérêt légitime de l’entreprise ?

La protection par l’employeur des intérêts légitimes de l’entreprise procède de sa volonté d’empêcher un salarié détenteur d’un savoir et de compétences spécifiques, à plus forte raison lorsqu’il les a acquis pendant la durée de sa relation contractuelle, de les exercer au service d’une entreprise concurrente.

Le contrat de travail énumère parfois de manière exhaustive les entreprises dans lesquelles interdiction est faite au salarié de travailler après la rupture de son contrat de travail, de sorte que les intérêts de l’entreprise soient sauvegardés.

A défaut, la notion fourre-tout « d’intérêts légitimes », qui ne fait l’objet d’aucune définition précise, est appréciée par la juridiction prud’homale.

salarié dénoncant un délit commis dans l'entrepriseDevant la rareté des décisions sur ce point particulier, on retiendra avec attention un récent arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, dont la solution est cependant décevante.

Un salarié, infirmier coordinateur, avait conclu un contrat de travail avec une société, contenant une clause de non-concurrence dont la rédaction, très exhaustive, lui interdisait d’entrer au service d’une entreprise concurrente pendant une durée de 8 mois à l’expiration de son contrat de travail.

Après qu’il ait démissionné, l’employeur avait saisi le Juge prud’homal de diverses demandes découlant de la prétendue violation par le salarié de ladite clause.

La Cour d’appel avait cependant estimé que la clause de non-concurrence était nulle, et avait débouté l’employeur de ses prétentions.

Elle avait retenu que la clause n’indiquait pas quels étaient les intérêts légitimes que la société entendait protéger et qui justifient l’existence de l’interdiction de concurrence, reprochant à l’employeur de ne pas avoir défini l’importance du risque économique et commercial encouru, ce qui entrainait la nullité de la clause de non-concurrence.

Cette décision, qui avait le mérite d’inciter l’employeur à préciser en quoi les intérêts légitimes de l’entreprise étaient menacés aurait permis une avancée notable, fragilisant en outre les clauses de non-concurrence qui ne répondaient pas à cette exigence, et elles sont nombreuses…

La Chambre sociale de la Cour de cassation freine cependant l’ardeur des Juges d’appel et refuse de s’aventurer sur ce terrain, les censurant pour avoir ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas.

Elle énonce en conséquence que si la clause de non-concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, cette condition n’implique pas que soient mentionnés dans le contrat de travail les risques concurrentiels encourus (Cass. Soc. 15 déc. 2021 n° 20-18144).

Une occasion ratée de faire évoluer la jurisprudence…

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