Franc Muller, Avocat droit du travail, Paris

 

Licenciement pour motif économique : une simplification dont les employeurs sont les grands bénéficiaires

A l’heure où la contestation gronde légitimement contre le projet de loi El Khomry, envisageant une profonde réforme du droit du travail, et que la définition du licenciement pour motif économique, telle qu’interprétée par le Juge, y est remise en cause, quelques réalités méritent d’être rappelées.

On sait que la modification projetée par le Gouvernement, qui s’est au passage affranchi de consulter les partenaires sociaux, affecte notamment la définition de la cause économique de licenciement, sans toucher à ses effets (suppression de poste, transformation, modification du contrat de travail).

L’employeur restera néanmoins tenu, avant de rompre le contrat de travail du salarié, de procéder à une recherche loyale de reclassement au sein de l’entreprise, et s’il en existe, des autres entreprises du groupe, bien que les obligations en matière de recherches de reclassement à l’étranger aient été récemment très allégées par le législateur.

D’un point de vue pratique, il importe de savoir que lorsqu’un salarié licencié pour motif économique conteste son licenciement, les moyens que son avocat développe devant la juridiction prud’homale sont souvent davantage axés sur la méconnaissance par l’employeur de l’obligation de reclassement, que sur l’absence de justification du motif économique de licenciement, même si ces deux moyens peuvent être soutenus successivement.

L’obligation de reclassement constitue donc un aspect essentiel des litiges relatifs à ce type de licenciement.

L’obligation de reclassement : une obligation de moyen renforcée imposant à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a mis en œuvre toutes les mesures nécessaires

La Cour de cassation vient d’apporter une précision qui est plus que bienvenue.

Dans le débat judiciaire relatif à la nature de l’obligation de reclassement, deux thèses s’affrontent : s’agit-il d’une obligation de résultat, auquel cas la responsabilité de l’employeur est engagée dès lors que le manquement à cette obligation est simplement constaté, ou d’une obligation de moyen, de sorte qu’il appartiendra au salarié de démontrer que l’employeur n’a pas mis en œuvre les diligences et la loyauté qu’imposent le respect de cette obligation, à laquelle il est tenu ?

La Haute juridiction avait eu l’occasion de répondre à cette interrogation en jugeant que l’employeur était soumis à une obligation de moyen.

Mais elle précise aujourd’hui , et à notre humble connaissance pour la première fois, qu’il s’agit d’une obligation de moyen renforcée.

Elle énonce ainsi qu’il résulte du code du travail (article L 1233-4), que « l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur est une obligation de moyen renforcée qui lui impose de rapporter la preuve qu’il a mis en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour permettre le reclassement des salariés dont le licenciement est envisagé » (Cass. soc. 18 fév. 2016 n° 14-29398).

Nous soulignons le fait qu’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a mis en œuvre toutes les mesures nécessaires pour permettre le reclassement des salariés, ce qui implique une participation active de sa part aussi bien pour procéder à une recherche d’emplois dans l’entreprise et le groupe, mais également pour proposer au salarié dont le licenciement est envisagé des mesures de formation et d’adaptation, afin de sauver son emploi.

L’affaire à l’origine de cet arrêt concernait une salariée exerçant les fonctions de responsable des ressources humaines, qui avait été licenciée pour motif économique.

L’entreprise qui l’employait comportait quatre établissements hôteliers et thermaux.

Le seul poste qui lui avait été proposé au titre des mesures de reclassement était un poste de serveur, qu’elle avait, on le comprend, refusé.

La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel, qui avait constaté qu’aucune précision n’était donnée par la société sur sa recherche de reclassement dans l’ensemble des établissements de l’entreprise, et que le seul poste qui était offert à la salariée ne figurait pas sur les extraits du registre d’entrée et de sortie du personnel, interdisant de vérifier la réalité et le sérieux de cette proposition dont il n’était par ailleurs pas démontré qu’il s’agissait de la seule qui pouvait être formulée, de sorte que l’employeur avait manqué à son obligation de reclassement, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse.

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