Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Une recherche de reclassement dans les entreprises du groupe, y compris celles situées à l’étranger

L’obligation de reclassement à l’étranger, applicable dans le cadre d’un licenciement pour motif économique individuel ou collectif, a suivi au fil du temps une évolution la réduisant progressivement à une peau de chagrin.

Le décret n° 2015-1638 du 10 décembre 2015, « relatif à la procédure de reclassement interne hors du territoire national en cas de licenciements pour motif économique » s’inscrit dans ce mouvement réducteur.

Nous avons maintes fois évoqué sur ce blog l’obligation de reclassement qui s’impose à tout employeur envisageant de licencier un salarié pour un motif économique.

Celle-ci résulte des dispositions de l’article L 1233-4 du Code du travail, qui prévoit qu’avant de procéder à un tel licenciement, l’employeur doit rechercher dans l’entreprise ou dans les autres entreprises du groupe auquel elle appartient, les possibilités de reclassement existantes, sur un emploi relevant de la même catégorie, voire sur un emploi d’une catégorie inférieure.

En outre, lorsque l’entreprise, ou le groupe dont l’entreprise fait partie, comporte des établissements situés en dehors du territoire national, la recherche de reclassement doit y être étendue (article L 1233-4-1).

La loi Macron du 6 août 2015 a grandement simplifié cette obligation pour les employeurs, dont l’absence de respect pouvait, en cas de litige, donner lieu à de lourdes condamnations

Cette considération n’avait au demeurant pas échappé à notre sémillant ministre qui soutenait notamment que les condamnations prud’homales pesaient sur les décisions d’embauche de l’employeur, et entendait de ce fait plafonner le montant de ces indemnités dans des proportions inacceptables pour les salariés, heureusement, avec le succès que l’on connaît.

La loi modifiée prévoyait donc que « le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l’employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L’employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt » (article L 1233-4-1 du Code du travail).

Le texte réécrit procédait ainsi à une inversion, puisque dans sa précédente version, il était mentionné que « l’employeur demande au salarié », préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national.

En imposant au salarié de se manifester, la loi allège considérablement la tâche de l’employeur.

Le décret du 10 décembre 2015 précise donc les modalités que l’employeur doit respecter pour se conformer au dispositif légal (article D 1233-2-1 du Code du travail).

Modalités mises à la charge de l’employeur (aujourd’hui abrogées)

Il informait tout d’abord individuellement le salarié, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine, de la possibilité de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national.

A compter de la réception de l’information de l’employeur, le salarié disposait de sept jours ouvrables pour formuler par écrit sa demande de recevoir ces offres. Il précisait, le cas échéant, les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation ainsi que toute autre information de nature à favoriser son reclassement.

Le cas échéant, l’employeur adressait au salarié les offres écrites et précises correspondant à sa demande en précisant le délai de réflexion dont il disposait pour accepter ou refuser ces offres ou l’informait de l’absence d’offres correspondant à sa demande. L’absence de réponse à l’employeur à l’issue du délai de réflexion valait refus.

 Une offre était considérée comme précise, dés lors qu’elle indique au moins :

  • Le nom de l’employeur
  • La localisation du poste
  • L’intitulé du poste
  • La rémunération
  • La nature du contrat de travail
  • La langue de travail

En outre, lorsque l’employeur procédait à un licenciement collectif pour motif économique dans le cadre d’un Plan de Sauvegarde de l’emploi (dix salariés ou plus dans une entreprise de cinquante salariés et plus dans une même période de trente jours), l’accord collectif doit contenir des précisions relatives aux modalités individuelles d’information des salariés, ainsi entre autres, que les conditions dans lesquelles ils formalisent par écrit auprès de l’employeur leur souhait de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national et le délai dont ils dispose pour manifester leur intérêt.

L’expérience judiciaire a souvent permis de constater que l’obligation de reclassement était considérée par les employeurs comme une contrainte supplémentaire et un obstacle à leur pouvoir de licencier, de sorte que son respect s’apparentait à une façade.

La modification à laquelle a procédé le législateur y changera-t-elle quelque chose ? le doute est permis.

Nullité d'une clause de non-concurrence
rupture conventionnelleHomologation de la rupture conventionnelle