Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Entretien d’évaluation et entretien professionnel, deux entretiens distincts

L’entretien professionnel et l’entretien d’évaluation peuvent être tenus à la même date, pourvu qu’ils fassent l’objet d’un échange distinct.

Tel parait être l’enseignement d’une récente décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

La Haute Juridiction énonce en effet que la tenue à la même date de l’entretien d’évaluation et de l’entretien professionnel est possible pourvu que, lors de la tenue de ce dernier, les questions d’évaluation ne soient pas évoquées (Cass. Soc. 5 juill. 2023 n° 21-24122).

Ces deux entretiens, qui n’ont pas le même objet, ne doivent néanmoins pas être confondus.

L’entretien professionnel revêt un caractère obligatoire, les thèmes qu’il doit aborder et la fréquence de sa tenue sont prévus par le Code du travail ; rien de semblable n’existe en revanche pour l’entretien d’évaluation.

Celui-ci présente essentiellement un caractère facultatif.

A noter que certaines conventions collectives, celle du notariat notamment, lui donnent cependant un caractère obligatoire.

L’entretien d’évaluation vérifie la performance du salarié

De nombreux salariés connaissent bien cet entretien au cours duquel l’employeur leur fixe des objectifs pour l’année à venir et vérifie si ceux qui lui avaient été fixés pour l’année écoulée ont été réalisés.

L’entretien d’évaluation a lieu la plupart du temps un caractère annuel (avec parfois un entretien de mi-année) et permet à l’employeur de faire le point sur la performance accomplie par le salarié au terme de la période de référence.

On sait que la jurisprudence entoure d’exigences précises les règles gouvernant la fixation des objectifs (qui doivent être réalisables et fixés en début d’exercice), pour autant, les modalités concernant l’entretien lui-même relèvent du pouvoir de direction de l’employeur.

Cet entretien ne doit pourtant pas être négligé par les salariés.

L'entretien d'évaluation est destiné à évaluer les performances du salariéD’une part, la réalisation des objectifs conditionne souvent l’octroi d’un bonus dont le montant peut être déterminé contractuellement ou présenter un caractère discrétionnaire.

D’autre part, cet entretien peut aussi dessiner les perspectives d’évolution de l’intéressé au sein de l’entreprise, ou à l’inverse, être utilisé par l’employeur pour relever ses défaillances s’il se révèle négatif.

L’employeur s’appuie habituellement sur l’entretien d’évaluation pour exiger du salarié des améliorations.

Surtout, lorsque cet entretien se conclut par une appréciation « en-dessous des attentes » ou « performances insuffisantes », le salarié doit se montrer très vigilant pour éviter un licenciement pour insuffisance professionnelle.

Il est vivement recommandé aux salariés qui font l’objet un commentaire négatif de leur manager d’exprimer par écrit et de façon argumentée leur désaccord, car l’expérience prouve qu’un commentaire négatif est rarement sans frais.

La finalité de l’entretien professionnel est toute autre.

L’entretien professionnel est consacré aux perspectives d’évolution professionnelle du salarié

Le Code du travail, qui ne dit mot de l’entretien d’évaluation, est au contraire assez précis sur l’entretien professionnel.

L’article L 6315-1 du Code du travail dispose en effet que :

Le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi.

Cet article ajoute que « l’entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié ».

L’entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.

Il donne lieu à la rédaction d’un document écrit, dont une copie est remise au salarié.

Tous les six ans, un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié doit être établi.

Il permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours de cette période :

  • D’au moins une action de formation
  • D’une progression salariale ou professionnelle

Sanction du non-respect par l’employeur des dispositions relatives à l’entretien professionnel

La loi instituant l’entretien professionnel a été publiée le 6 mars 2014 et est entrée en vigueur le lendemain, 7 mars 2014.

Le premier bilan des entretiens professionnels aurait donc dû être réalisé 6 ans plus tard (pour les salariés encore en poste…) en mars 2020.

La crise du sanitaire étant passée par là, l’échéance a été reportée au 30 juin 2021.

A cette date, l’employeur doit avoir satisfait aux exigences légales et fait bénéficier le salarié d’au moins une action de formation (autre que celles obligatoires).

La méconnaissance de cette obligation dans les entreprises d’au moins 50 salariés l’expose à une sanction qui le fera sans nul doute frémir !

La sanction encourue, dont la nature dissuasive parait assez douteuse…. Impose à l’employeur d’abonder le compte personnel de formation du salarié (CPF) à hauteur de 3 000 €.

On signalera à ce sujet une décision récente de la Cour d’appel de Rouen (13 avril 2023, RG n° 22/03932), ayant condamné en référé la société Renault à abonder de ce montant le Compte Personnel de Formation d’un salarié.

La Cour considérant que la défaillance de l’employeur caractérisait un trouble manifestement illicite.

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