Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris
Congés payés pendant un arrêt maladie (d’origine professionnelle et non professionnelle), l’évolution jusqu’en septembre 2023
Jusqu’au 13 septembre 2023, les Juges opéraient une distinction pour déterminer si un salarié avait droit à des congés payés pendant un arrêt maladie, selon que cet arrêt était d’origine professionnelle, ou non.
Pour les premiers (arrêt d’origine professionnelle), l’acquisition des congés payés pendant l’arrêt maladie était prévue par la loi, ils continuaient donc à acquérir des congés payés pendant la durée de cet arrêt et pouvaient les reporter dans la limite d’un an.
En revanche, pour les seconds (dont l’arrêt maladie n’était pas d’origine professionnelle), cette possibilité leur était refusée.
A leur égard, le Code du travail considérait qu’ils devaient justifier d’un travail effectif pour bénéficier de congés payés.
Or évidemment, une période d’arrêt maladie étant incompatible avec l’exercice d’un travail effectif… ils en étaient privés.
Cette inégalité de traitement pouvait légitimement paraître injuste, et il aura fallu attendre le terme d’une longue bataille judiciaire pour que la Cour de cassation se décide enfin à faire prévaloir une directive européenne, et revienne sur sa position.
Nous avions évoqué ce contexte (ici).
C’est ainsi qu’elle a jugé, le 13 septembre 2023,
Un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période (Cass. Soc. 13 sept. 2023, n° 22-17340).
Une consécration par la Loi en avril 2024
Dans la continuité de cette décision, le législateur s’est décidé à harmoniser les dispositions du Code du travail avec le Droit Européen.
La loi du 24 avril 2024 consacre cette harmonisation.
Un salarié en arrêt maladie bénéficie, sans distinction sur l’origine de son affection, de deux jours ouvrables par mois, dans la limite d’une attribution de vingt-quatre jours ouvrables par an (article L 3141-5-1 du Code du travail).
Ceux-ci sont reportables sur une période de 15 mois.
C’est en outre sous l’impulsion de la même Directive européenne, « concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail » qu’un revirement vient d’être réalisé concernant la situation d’un arrêt maladie survenant pendant une période de congés payés.
Arrêt maladie pendant des congés payés, là aussi une lente et laborieuse évolution
Le salarié qui contractait une maladie pendant ses congés payés était bien mal loti car sa période de congés n’était, jusqu’à présent, pas prolongée pour autant.
La jurisprudence considérait, avec une détestable constance, que « le salarié qui tombe malade au cours de ses congés payés ne peut exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n’a pu bénéficier du fait de son arrêt de travail, l’employeur s’étant acquitté de son obligation à son égard » (Cass. Soc. 4 déc. 1996 n° 93-44907).
Cette position était très désavantageuse pour le salarié qui avait la malchance de tomber malade pendant ses congés.
Celui qui avait imaginé pouvoir se reposer pendant ses congés, était donc particulièrement pénalisé, car son temps de repos était amputé de sa période de maladie.
Le secours de la jurisprudence Européenne
C’est là encore le Droit Européen qui a constitué un apport déterminant et a permis l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point.
La Cour de Justice de l’Union Européenne a en effet posé comme principe que le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l’Union.
Elle en a ensuite déduit que :
La finalité du droit au congé annuel payé, qui est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs, diffère de celle du droit au congé de maladie, qui est accordé au travailleur afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie.
Ces arguments viennent enfin d’être entendus.
Arrêt maladie pendant les congés : le report est désormais accordé aux salariés
L’affaire concernait une médecin du travail qui était tombée malade pendant une période de congés.
Après avoir pris sa retraite, elle avait manifestement voulu solder les différents litiges qui l’avaient opposé à son employeur, et avait saisi la juridiction prud’homale.
Elle demandait, entre autres, que ses jours d’arrêt maladie soient déduits du décompte des jours de congés payés qu’elle avait pris.
La Cour d’appel lui avait donné satisfaction et l’employeur avait formé un pourvoi en s’appuyant sur la position de la Cour de cassation.
Celle-ci confirme la solution rendue par la Cour d’appel et opère à cette occasion un revirement de jurisprudence qui est le bienvenu.
Elle décide en effet désormais, interprétant le Code du travail à la lumière de la directive du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, que :
Le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie (Cass. Soc. 10 sept. 2025 n° 23-22732).
Ainsi, le salarié qui est malade pendant ses congés, et qui en justifiera par un arrêt établi par un médecin devra à son retour en informer son employeur et lui communiquer son arrêt maladie.
L’information de l’employeur par lettre recommandée, ou tout autre moyen utile, est donc une formalité indispensable.
L’intéressé pourra ainsi obtenir le report des jours de congés payés dans la limite correspondant au nombre de jours qu’a duré son arrêt maladie.