Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

La rémunération variable est contractuelle et fondée sur des éléments objectifs

La rémunération variable d’un salarié obéit en principe à des règles objectives permettant de soustraire la détermination de son montant à l’arbitraire de l’employeur.

Elle peut être stipulée dans le contrat de travail, qui renvoie habituellement à un avenant le soin d’en fixer les modalités.

La Cour de cassation a ainsi posé pour règle « qu’une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu’elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur, ne fait pas porter le risque d’entreprise sur le salarié et n’a pas pour effet de réduire la rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels » (Cass. Soc. 2 juill. 2002 n° 00-13111).

Il est par ailleurs loisible à l’employeur d’accorder discrétionnairement une rémunération à un salarié, sous réserve de ne pas  traiter différemment des salariés placés dans une situation comparable au regard de l’avantage considéré (Cass. soc. 10 avril 2013 n° 10-13614).

Certaines entreprises établissent en outre annuellement un plan de rémunération variable destiné à une ou plusieurs catégories de salariés, prévoyant, à objectif atteint, le versement d’un bonus calculé selon des critères prédéterminés qui sont portés à la connaissance des salariés en début d’exercice.

A cet égard, la Haute juridiction a déjà eu à juger, à propos d’un plan de commissionnement établi par la société IBM, prévoyant le versement d’une prime reconduite d’année en année, déterminée en fonction de règles précises d’appréciation de la performance du salarié, et pouvant faire l’objet de contestation selon une procédure interne, qu’elle constituait, non une libéralité, mais un élément de rémunération permanent et obligatoire (Cass. Soc. 20 juin 2013 n° 12-15504).

Un plan de rémunération variable constitué de plusieurs critères d’attribution

Dans une affaire examinée par la Chambre sociale de la cour de cassation, une société (ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL) avait instauré un plan de rémunération variable qui reposait sur l’atteinte de trois séries d’objectifs : les objectifs de l’entreprise (« Corporate », à hauteur de 40%), des services (« Business », à hauteur de 40%) et ceux fixés individuellement à chaque salarié, à hauteur de 20%.

Mais concernant les objectifs « Corporate », le plan de rémunération variable relatif à l’année 2014 comportait une clause précisant « qu’en cas de circonstances exceptionnelles, seul le conseil d’administration et le directeur général du groupe ont la capacité, à leur entière discrétion, de modifier l’enveloppe budgétaire définie dans le plan ABP, la société se réservant le droit d’amender ou résilier l’une des dispositions de ce plan à tout moment, y compris et non limité à la prise en compte de circonstances exceptionnelles, précisant que la société ne fait aucune promesse à l’égard de ce plan et des plans des années subséquentes »

Cette rédaction byzantine laissait manifestement toute latitude à l’employeur d’accorder à sa guise aux salariés le montant du bonus « Corporate. »

L’employeur avait en effet considéré que l’objectif « Corporate » 2014 n’avait pas été atteint, pour une raison qui échappe à l’entendement, et qu’il n’était pas dû.

Plusieurs salariés avaient en conséquence saisi la juridiction prud’homale afin de réclamer le paiement de cette part importante de leur rémunération variable.

L’employeur ne peut, sur la base de circonstances exceptionnelles qu’il détermine à sa convenance, se soustraire au paiement de la rémunération variable

Ils soutenaient que la décision discrétionnaire de la société de ne pas payer cette gratification, contenue dans le plan de rémunération variable, présentait un caractère « potestatif », en sorte qu’elle ne leur était pas opposable et que l’employeur ne justifiait pas de l’existence de circonstances exceptionnelles.

Une clause est qualifiée de potestative lorsque l’exécution de l’obligation dépend de la seule volonté d’un des contractants, ce qui était le cas en l’espèce compte tenu du pouvoir que s’arrogeait l’employeur.

La Cour d’appel avait donc suivi cette argumentation et condamné la société ALACATEL-LUCENT INTERNATIONAL à payer aux salariés le montant du bonus « Corporate » pour l’année 2014.

La Cour de cassation confirme la décision et considère que l’employeur avait institué un plan annuel de rémunération variable prévoyant, en cas de réalisation d’un objectif fixé en début d’année et sauf circonstances exceptionnelles, le versement aux salariés éligibles d’un bonus calculé selon un mode prédéterminé, d’autre part que cet objectif avait été atteint et que l’employeur ne justifiait pas de circonstances exceptionnelles permettant de modifier le plan de rémunération, de sorte qu’il était tenu au paiement du bonus dans les conditions fixées par son engagement (Cass. Soc. 12 juill. 2017 n° 16-33445).

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