Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Les conditions de fond que doit réunir une lettre de licenciement

Poursuivant son œuvre de déconstruction du droit du travail, le projet de l’ordonnance (n° 3) « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail » du 31 août 2017, revient sur une jurisprudence solidement établie qui considère, lorsqu’un salarié a été licencié, que la lettre de licenciement qui lui est adressée « fixe les termes et les limites du litige».

Selon cette jurisprudence, le Juge, saisi de la contestation du licenciement, est tenu d’examiner uniquement les motifs énoncés dans la lettre de rupture et ne doit pas prendre en considération d’autres faits qui n’y auraient pas été mentionnés.

Même si la Chambre sociale de la Cour de cassation juge avec constance que « si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif« .

Il convient d’ajouter qu’un licenciement doit reposer sur des motifs précis, objectifs et matériellement vérifiables.

Ainsi, lorsqu’un salarié est licencié pour motif économique, l’employeur doit indiquer à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié (suppression de poste, la plupart du temps).

De sorte que la lettre de licenciement qui se borne à faire état d’une réduction de l’effectif, sans mentionner la conséquence précise des difficultés économiques sur l’emploi du salarié, ne contient pas l’énoncé du motif exigé par la loi (Cass. Soc. 5 juin 2001 n° 99-42302).

Il en résulte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et que le salarié ayant plus de 2 ans d’ancienneté, dans une entreprise employant plus de 11 salariés, obtiendra une indemnité qui ne pourra être inférieure à 6 mois de salaire brut (article L 1235-3 du Code du travail).

C’est sur cette règle qu’entend revenir l’ordonnance du 31 août 2017.

Dorénavant, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement pourront, après que le licenciement ait été notifié, être précisés ou complétés (*), soit par l’employeur, soit à la demande du salarié (article L 1235-2 nouveau du Code du travail).

Les modalités de ces dispositions doivent être précisées par décret, mais on comprend que l’employeur défaillant se verra offrir la possibilité, après l’envoi de la lettre de licenciement, de préciser ou de compléter le motif invoqué, et pallier ainsi son impéritie.

C’est la lettre de licenciement ainsi complétée qui fixera les limites du litige. Le texte ajoute : « à défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire. »

L’irrégularité commise par l’employeur sera assimilée à une irrégularité de procédure (irrégularité formelle) et non plus de fond, comme c’était le cas jusqu’à présent. L’indemnité d’un mois de salaire est en effet la sanction attachée aux irrégularités de procédure.

L’ordonnance prévoit en outre que l’employeur pourra à l’avenir utiliser des modèles pour procéder à la notification du licenciement (article L 1232-6 dernier alinéa du Code du travail).

Il s’agira de formulaires administratifs, de type CERFA, qui fourniront un canevas que l’employeur sera invité à compléter.

On peut supposer, et c’est l’esprit de la loi nouvelle, que ce sont essentiellement les petites entreprises qui seront concernées par ce dispositif, les autres, dotées de services des ressources humaines, étant plus rompues à l’exercice.

Cette remise en cause des exigences du contenu de la lettre de licenciement n’est pas de bon augure, elle laisse entrevoir que l’employeur s’en affranchira d’autant plus aisément que les sanctions prévues par le barème des indemnités prud’homales sont faibles pour les entreprises employant moins de 11 salariés. Il est à craindre que les salariés, sous la férule de l’employeur, en fassent les frais et que la relation de travail devienne de plus en plus précaire.

  • Nota (*): l’ordonnance n° 2007-1385 du 22 septembre 2017 a supprimé la possibilité pour l’employeur de compléter la lettre de licenciement, il conserve néanmoins la possibilité d’y apporter des précisions.
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