Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Une lettre de licenciement doit comporter un motif précis

Il est une règle intangible en droit du travail qui exige que le licenciement d’un salarié repose sur un motif, lequel doit être énoncé dans la lettre de licenciement (article L 1232-6 du Code du travail).

A cette exigence légale, la jurisprudence en a ajouté une autre qui la complète : le motif invoqué par l’employeur doit être précis, de sorte que la lettre de rupture comporte un exposé aussi détaillé que possible des raisons justifiant le licenciement du salarié ; qu’il procède d’un licenciement pour motif personnel ou pour motif économique.

Cette obligation est en outre à combiner avec le fait que lorsque le salarié saisit la juridiction prud’homale de la contestation de son licenciement, la lettre de licenciement fixe les limites du litige, le Juge n’est donc tenu d’examiner que les seuls motifs qui y figurent.

L’exigence de motivation étaient appliquée rigoureusement par la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui sanctionnait avec constance le défaut d’énonciation du motif de licenciement dans la lettre notifiée au salarié par un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quelle sanction pour l’employeur défaillant ?

Avocat licenciement pour motif économique - Paris

Ainsi, par exemple, elle a pu juger qu’était dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement économique d’une salariée dont la lettre de licenciement s’était bornée à indiquer qu’elle avait refusé une modification de son contrat de travail sans énoncer les motifs de la modification envisagée (Cass. Soc. 12 déc. 2000 n° 98-41609).

Un tel couperet n’était toutefois guère du goût des employeurs qui militèrent ardemment pour que la sanction soit moins catégorique, au prétexte que les chefs d’entreprise, en particulier ceux des petites entreprises, n’avaient pas toujours le réflexe de se faire accompagner par des professionnels du droit lorsqu’ils engagent une procédure de licenciement, et que le coût de cette sanction leur apparaissait disproportionné au regard d’une faute aussi vénielle…

Il n’en fallait pas davantage pour que l’une des premières mesures prises en 2017 par le Président nouvellement élu consiste à modifier le Code du travail pour mettre un terme à cette jurisprudence.

La possibilité pour l’employeur de préciser a posteriori les motifs de licenciement

L’article L 1235-2 du Code du travail était en conséquence modifié pour offrir à l’employeur une « seconde chance » en lui donnant la possibilité de préciser les motifs de licenciement après que celui-ci ait été notifié au salarié.

Le salarié dispose en effet d’un délai de 15 jours après la notification du licenciement pour demander à son employeur de lui apporter des précisions sur les motifs invoqués dans la lettre qu’il a reçue.

Celui-ci se voit accorder un même délai de 15 jours pour répondre à cette demande en communiquant au salarié les précisions qu’il sollicite (article R 1232-13 du Code du travail).

Faute pour le salarié d’avoir demandé des précisions, l’insuffisante motivation de la lettre de licenciement n’ouvre droit qu’à une indemnité d’un mois de salaire maximum, et ne prive plus le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Ce n’est qu’en l’absence de réponse de l’employeur, et lorsque la lettre de licenciement est insuffisamment motivée que le salarié peut espérer voir juger son congédiement illicite.

Depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions légales, les employeurs ont donc généralement pris l’habitude d’informer le salarié dans la lettre de licenciement qu’il peut demander des précisions sur le motif de licenciement dans le délai imparti.

La Cour de cassation vient pour la première fois de se prononcer sur les conséquences de l’absence d’information du salarié de son droit de demander des précisions sur le motif de licenciement.

En l’absence d’information du salarié dans la lettre de licenciement qu’il peut demander des précisions… aucune sanction encourue

L’affaire concernait une salariée, directrice commerciale d’un établissement de la BNP PARIBAS, licenciée pour faute grave après que des salariés placés sous sa responsabilité aient dénoncé avoir subi de sa part des agissements de harcèlement moral, ce qu’avait établi l’enquête interne diligentée par l’employeur.

L’intéressée lui reprochait de ne pas l’avoir informée de la possibilité de demander des précisions sur les motifs de la rupture, circonstance d’autant plus préjudiciable, d’après elle, que ni le nom des salariés lui imputant des faits de harcèlement moral, ni la date de ces faits, ni la durée de ces agissements n’étaient indiqués dans la lettre de licenciement.

notification licenciementLa Cour d’appel avait, d’une part, estimé que la lettre de licenciement était suffisamment motivée, et d’autre part, n’avait tiré aucune conséquence de l’absence d’information de la salariée.

La Chambre sociale de la Cour de cassation ne s’en formalise pas davantage, et énonce qu’aucune disposition n’impose à l’employeur d’informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés (Cass. Soc. 29 juin 2022 n° 20-22220).

Elle relève en outre que la lettre, qui faisait état d’un comportement et de propos déplacés de la salariée à l’égard de quatre collaborateurs de nature à mettre en péril leur santé psychique et à dégrader leurs conditions de travail, était suffisamment motivée pour répondre à l’exigence légale.

On se doute en conséquence que cette obligation dépourvue de sanction risque d’avoir une existence assez courte… et que l’employeur taiseux pourrait même évidemment y trouver avantage !

Le salarié devra alors être bien informé sur ses droits pour demander de sa propre initiative à son employeur des précisions sur le motif de licenciement.

licenciement pour insuffisance professionnelleRupture anticipée du CDD pour faute grave de l'employeur. Attention à la résiliation judiciaire !
sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expressionLa violation de la liberté d'expression suffit à voir juger nul le licenciement, sans avoir à examiner les autres motifs