Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

La privation des congés payés contraire au droit européen

L’introduction dans notre ordonnancement juridique, en 2008, de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) constitue, il faut le reconnaître, un apport globalement positif en droit du travail.

C’est par ce biais que le Conseil constitutionnel vient de juger que le fait de priver un salarié licencié pour faute lourde de l’indemnité compensatrice de congé payé à laquelle il peut prétendre est illégal.

Cette décision salutaire constitue un véritable séisme, qui remet en cause une règle antédiluvienne.

Elle met un terme à une situation injuste, dont le fondement incertain était à rechercher dans la gravité de la faute commise par le salarié.

Précisons que l’article L 3141-26 du Code du travail, dans une précédente rédaction, disposait en effet que la faute lourde constituait le seul motif de licenciement privatif de l’indemnité compensatrice de congé payé.

Ce texte commençait déjà à vaciller sur ses fondements après que la Cour de cassation en ait suggéré une modification dans son rapport annuel pour l’année 2013.

La Haute juridiction affirmait que la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, ne prévoit pas de perte des droits à congés payés, lesquels sont fixés par ce texte à quatre semaines au minimum par an.

Cette directive ayant autorité sur notre droit national, la Cour de cassation suggérait en conséquence une modification de l’article L 3141-26 du code du travail, qui apparaissait non conforme, soit par la suppression de la perte de congés payés en cas de licenciement pour faute lourde, soit par la limitation de cette perte aux jours de congés payés excédant les quatre semaines irréductibles issues du droit communautaire.

L’intervention salutaire du Conseil Constitutionnel

Mais l’estocade aura finalement été portée par le Conseil Constitutionnel, qui avait été saisi par le conseil d’un salarié, et qui placé le débat sur un terrain différent.

Le Conseil constitutionnel constate qu’il existe une inégalité entre salariés, dés lors que ceux travaillant pour un employeur affilié à une caisse de congés (dans le secteur du BTP, notamment) conservent leur droit à indemnité compensatrice de congé payé en cas de licenciement pour faute lourde, alors que les autres salariés licenciés pour ce motif en sont privés.

Il en déduit, sans autre considération, que les dispositions de l’article L 3141-26 du Code du travail méconnaissent le principe d’égalité devant la loi et doivent être déclarées contraires à la Constitution et abrogées.

Le Juge constitutionnel précise en outre que cette abrogation prend effet à compter de la date de la publication de sa présente décision, et qu’elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

Cette décision date du 2 mars 2016 (DC n° 2015-523, QPC du 2 mars 2016) et s’applique donc à toutes les instances en cours.

Dorénavant un salarié licencié pour faute lourde reste privé de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis, mais aura droit de percevoir une indemnité compensatrice de congé payé, relative aux jours qu’il a acquis.

Ce régime indemnitaire s’apparentera donc à celui applicable au salarié licencié pour faute grave, bien que la qualification des fautes demeure différente.

On se souvient en effet que la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, alors que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis.

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