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Demander une rupture conventionnelle en mentant à l’employeur et lui dissimulant la vraie raison est une cause nullité

Par Franc Muller – Avocat rupture conventionnelle, Paris

 

Annulation de la rupture conventionnelle pour vice du consentement

La rupture conventionnelle est un contrat conclu entre le salarié et son employeur, il s’agit d’un acte juridique régi par les règles de droit commun applicables aux contrats combinées aux dispositions spécifiques du Code du travail.

Celui-ci précise à cet égard que « la rupture conventionnelle…ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties » et ajoute qu’elle est soumise aux dispositions destinées à garantir la liberté du consentement des parties (article L 1237-11 du Code du travail).

C’est ainsi que la jurisprudence a, de longue date, jugé qu’une rupture conventionnelle pouvait, comme tout autre contrat, être annulée en cas de fraude ou de vice du consentement.

La Chambre sociale de la Cour de cassation s’est cependant montrée très exigeante, voire intransigeante, pour accorder à un salarié la nullité de la rupture conventionnelle fondée sur un vice du consentement.

Elle ne cède que lorsque le salarié a démontré qu’il a été véritablement dupé par son employeur.

L’annulation de la rupture conventionnelle en raison d’une dissimulation commise par l’employeur

Il en va ainsi de la dissimulation par l’employeur d’un élément qui, s’il avait été connu du salarié au moment de la signature de la convention de rupture, l’aurait dissuadé de la signer.

En droit civil en effet, « la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie » constitue un dol (article 1137 du Code civil).

Le dol étant un vice du consentement entrainant la nullité du contrat.

Dans ce contexte, une rupture conventionnelle avait été annulée, alors qu’à sa date de signature, l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste (Cass. Soc. 6 janv. 2021 n° 19-18549).

L’attitude du salarié aurait probablement été différente s’il avait en connaissance de cette information.

Jusqu’à présent, la Cour de cassation avait statué uniquement sur des situations où c’est l’employeur qui s’était livré à un tel stratagème.

L’annulation de la rupture conventionnelle, à la demande de l’employeur, en raison d’une dissimulation commise par le salarié

Voilà un sévère avertissement à l’égard des salariés qui auraient la tentation d’obtenir une rupture conventionnelle en dissimulant intentionnellement des informations à leur employeur ou en lui mentant !

On sait pourtant que lorsque le salarié est à l’initiative de la rupture conventionnelle, il lui faut parfois déployer des trésors d’imagination ou invoquer des raisons pas toujours exactes pour parvenir à ses fins.

Convaincre son employeur de verser une indemnité pour accompagner son départ dans le cadre d’une rupture conventionnelle doit répondre à une préoccupation commune pour avoir des chances de succès.Annulation d'une rupture conventionnelle, le salarié ayant dissimulé une information déterminante à l'employeur

Car si ce mécanisme sécurise le salarié et lui assure le bénéficie de l’assurance chômage, la réticence de l’employeur s’explique souvent par le coût de ce mode de rupture (avec désormais un forfait de social à payer de 30 % du montant de l’indemnité globale), frein que la démission de l’intéressé ne comporte pas…

La Haute Juridiction vient de prononcer la nullité d’une rupture conventionnelle en l’assortissant de conséquences pécuniaires importantes, propres à dissuader ceux qui auraient la tentation de dissimuler la réalité pour parvenir à leurs fins.

Les faits de l’affaire

Le responsable commercial d’une entreprise demande à son employeur de conclure une rupture conventionnelle, invoquant sa volonté d’une reconversion professionnelle dans le management.

Celui-ci accède à sa demande et une rupture conventionnelle est conclue.

Quelques mois plus tard, l’employeur a la surprise de découvrir qu’en fait de reconversion professionnelle dans le management, l’intéressé s’était associé à deux anciens salariés dans une entreprise ayant une activité concurrente à la sienne.

Il goûte assez peu la plaisanterie et assigne son ancien salarié devant la juridiction prud’homale, demandant l’annulation de la rupture conventionnelle en raison de sa « réticence dolosive » et de ses manœuvres pour lui dissimuler la vérité.

La Cour de cassation approuve l’annulation de la rupture conventionnelle, retenant que le consentement de l’employeur avait bien été vicié.

Elle estime que « le salarié avait volontairement dissimulé des éléments dont il connaissait le caractère déterminant pour l’employeur afin d’obtenir le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle » (Cass. Soc. 19 juin 2024 n° 23-10817).

Restent à envisager les conséquences de cette annulation pour le salarié, outre la restitution de la somme qu’il avait perçue au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle.

L’annulation de la rupture conventionnelle produit les effets d’une démission, obligeant le salarié au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis

La Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la première sur cette question.

Elle juge que l’annulation d’une rupture conventionnelle en raison d’un vice du consentement de l’employeur (donc, commis par le salarié) produit les effets d’une démission.

On se rappelle, dans le même ordre d’idée, que lorsqu’un salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, en raison des graves manquements qu’il impute à son employeur, et que cette prise d’acte est jugée injustifiée, elle produit le même effet : celui d’une démission.

Il en résulte que la sanction financière est lourde pour le salarié, il doit payer à son ancien employeur une indemnité compensatrice de préavis, égale au montant du préavis qu’il n’a pas exécuté.