Par Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Deux PSE à un an d’intervalle, mais des mesures financières différentes dans les deux plans

Une entreprise confrontée à des difficultés économiques, qui envisage de procéder au licenciement pour motif économique de plus de 10 salariés, doit mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) lorsque les dispositions légales sont réunies (effectif de plus de 50 salariés notamment).

Celui-ci doit comporter un plan de reclassement à destination des salariés concernés et est habituellement accompagné de mesures sociales et financières.

Différence de traitement entre salariés

Au cas particulier, la situation d’une entreprise continue de se détériorer, entrainant la fermeture du site, de sorte qu’elle est contrainte d’organiser un deuxième PSE prévoyant de nouvelles suppressions de postes, un an plus tard.

Mais ce dernier PSE prévoit des conditions financières particulières au bénéfice des salariés, qui sont plus avantageuses que dans le précédant plan.

Cette situation constitue-t-elle une différence de traitement dont les salariés licenciés dans le premier plan, désavantagés par rapport à leurs collègues, peuvent obtenir réparation ?

Telle était la question inédite sur laquelle la Chambre sociale de la Cour de cassation était appelée à se prononcer.

Position de la Cour de cassation à l’égard d’une différence de traitement

Dans sa jurisprudence antérieure, elle avait énoncé que si un PSE peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous les salariés de l’entreprise placés dans une situation identique au regard de l’avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu’une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d’attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables (Cass. soc. 12 juillet 2010, n° 09-15.182).

Les salariés s’appuyaient sur cette argumentation et avaient obtenu satisfaction devant la Cour d’appel.

Celle-ci estimait en effet que les salariés avaient été victimes d’une inégalité de traitement, et retenait notamment, après avoir analysé les circonstances économiques et sociales ayant conduit aux procédures de licenciement économique collectif successives, qu’au regard de l’objet de l’avantage en cause, les salariés licenciés dans le premier plan avaient été confrontés à une déception et à un traumatisme moral identiques à ceux vécus par leurs collègues un an plus tard et que la fermeture de site, les possibilités de reclassement et de retrouver un nouvel emploi ne constituaient pas des raisons objectives et pertinentes propres à justifier une différence de traitement.

Les salariés licenciés dans le cadre de la première procédure ne sont pas dans une situation identique à celle des salariés licenciés dans le cadre de la seconde procédure

Cette motivation est cependant censurée par la Haute juridiction, qui juge au contraire que lorsque deux procédures de licenciement économique collectif sont successivement engagées dans l’entreprise accompagnées de plans de sauvegarde de l’emploi distinct, les salariés licenciés dans le cadre de la première procédure ne sont pas dans une situation identique à celle des salariés licenciés dans le cadre de la seconde procédure au cours de laquelle a été élaboré, après information et consultation des institutions représentatives du personnel, le plan prévoyant l’avantage revendiqué (Cass. Soc. 29 juin 2017 n° 16-12007).

Ainsi, non seulement la Chambre sociale de la Cour de cassation estime que, de fait, les salariés ne sont pas placés dans une situation identique qui leur permette de revendiquer les avantages du précédant PSE, mais en outre, elle laisse à entendre que les instances représentatives du personnel, consultés par l’employeur sur l’élaboration des mesures du plan, ont un rôle déterminant pour demander le cas échéant l’amélioration du contenu de ce plan.

Il importe de rapprocher cette décision de la jurisprudence de dernière jurisprudence de la Cour régulatrice à propos des différences de traitement pouvant exister entre catégories professionnelles de salariés.

Depuis 2015, elle considère que lorsque ces différences sont opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, elles sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle (Cass. Soc. 27 janv. 2015 n° 13-14773, 13-22179).

L’accord collectif bénéficiait en conséquence d’une présomption simple de justification des différences de traitement.

La prévalence de l’accord collectif, en particulier d’entreprise, est au demeurant en voie d’être consacrée par le nouveau législateur.

Nota : cette solution a été remise en cause par une décision du 3 avril 2019 (n° 17-11970).

Ce qui interroge sur la persistance de cette jurisprudence…

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