Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Et si le droit européen constituait un secours utile pour les salariés…

L’apport de certains textes européens, comme la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, n’est pas à négliger en droit du travail et se révèle une source d’inspiration intéressante pour la défense des droits des salariés.

C’est précisément sous l’influence du Droit de l’Union Européenne que la Chambre sociale de la Cour de cassation vient d’opérer un revirement en amendant sa jurisprudence en matière d’égalité de traitement entre salariés.

On se souvient des soubresauts ayant animé cette question s’agissant de l’appréciation d’un avantage à l’égard de salariés relevant de catégories professionnelles différentes.

Dans un arrêt historique relatif à l’attribution d’un nombre de jours de congés payés différent entre cadres et non cadres, la Haute juridiction, se fondant sur le principe d’égalité de traitement, avait jugé que « la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence » (Cass. Soc. 1er juill. 2009 n° 07-42675).

Elle avait ultérieurement nuancé sa position lorsque la différence de traitement entre catégories professionnelles résultait d’une convention ou d’un accord collectif négocié et signé par des organisations syndicales représentatives.

Considérant que ces organisations sont investies de la défense des droits et intérêts des salariés, et choisies par leur vote, elle accorde aux accords conclus sous leur égide une présomption de justification, de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle (Cass. Soc. 27 janv. 2015 n° 13-22179).avocat licenciement pour faute

C’est sur cette position que la Chambre sociale vient de revenir partiellement.

Revirement de jurisprudence :

Une salariée ayant fait l’objet d’un changement d’affectation d’un site à un autre de l’entreprise se plaignait de ne pas avoir bénéficié des mesures d’accompagnement des mobilités géographiques et fonctionnelles prévues par un accord d’entreprise, pour la seule raison de sa date d’affectation.

L’accord collectif réservait en effet cet avantage aux salariés présents sur le site à une date antérieure à celle de sa mutation.

Ne se satisfaisant pas de cette circonstance, la salariée estimait subir une différence de traitement injustifiée par rapport à ses collègues et avait en conséquence saisi la juridiction prud’homale.

La Cour d’appel lui avait donné raison, appréciant l’existence d’une différence de situation entre salariés au regard du critère de l’objet de l’avantage prévu par l’accord, elle avait retenu que les salariés étaient placés dans une situation exactement identique.

Elle avait ensuite écarté l’existence d’une présomption de justification de la différence de traitement, s’agissant d’une différence de traitement fondée sur la date de présence sur le site et non sur l’appartenance à une catégorie professionnelle ou sur une différence de fonctions au sein d’une telle catégorie.

L’employeur contestait cette décision, et avait formé un pourvoi en cassation.

A cette occasion, la Cour régulatrice, après avoir rappelé que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union européenne, énonce que la présomption générale de justification de toutes différences de traitement entre les salariés opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs est contraire au droit de l’Union dans les domaines où celui-ci est mis en œuvre, dans la mesure où il ferait reposer sur le seul salarié la charge de la preuve de l’atteinte au principe d’égalité et en ce qu’un accord collectif n’est pas en soi de nature à justifier une différence de traitement.

Elle approuve la Cour d’appel d’avoir jugé que la différence de traitement fondée sur la date de présence sur un site ne saurait être présumée justifiée (Cass. Soc. 3 avril 2019 n° 17-11970).

La présomption générale instituée est donc supprimée dans les domaines où le droit de l’Union Européenne est mis en œuvre, facilitant ainsi la charge de la preuve pour le salarié victime d’une inégalité de traitement.

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