Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

Lorsque le contrat de travail vient à expiration, quelle qu’en soit la cause (licenciement, démission, prise d’acte), l’employeur remet au salarié un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle Emploi, ainsi qu’un reçu pour solde de tout compte.

Ce reçu pour solde de tout compte fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Il est établi en deux exemplaires, dont un est remis au salarié, l’employeur conservant le second exemplaire, signé par le salarié.

Si le salarié conteste les sommes qui y sont portées, il dispose de la faculté de dénoncer, par lettre recommandée, le solde de tout compte ; cette dénonciation doit être faite dans un délai de 6 mois suivant sa signature (articles L 1234-20, D 1234-7 et D 1234-8 du Code du travail).

Nous avons déjà relaté les péripéties ayant affecté le reçu pour solde de tout compte, à l’aune des modifications législatives et jurisprudentielles, et les conditions de validité de son effet libératoire (ici).

Rappelons en outre que le salarié conserve la possibilité de contester les sommes qui ne figurent pas expressément dans le reçu pour solde de tout compte, à la seule condition d’agir dans les limites de la prescription.

A cet égard, il convient de préciser que l’action en paiement des salaires, notamment des rappels de primes, de rémunération variable ou d’heures supplémentaires, se prescrit par 3 ans (article L 3245-1 du Code du travail), et celle portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans (article L 1471-1 du Code du travail).

Deux décisions récentes de la Chambre sociale de la Cour de cassation apportent un nouvel éclairage, d’une part, sur les conditions de l’effet libératoire attaché au solde de tout compte, d’autre part, sur la date limite du délai de 6 mois à prendre en considération en cas de saisine du Conseil de Prud’hommes.

1– Une salariée avait été mise à la retraite et avait signé un reçu pour solde de tout compte.

Elle avait saisi ultérieurement la juridiction prud’homale afin d’obtenir un complément d’indemnité de licenciement, et l’employeur lui opposait l’irrecevabilité de sa demande en se fondant sur le reçu pour solde de tout compte signé par l’intéressée.

Ce reçu pour solde de tout compte mentionnait une somme globale, qui renvoyait à un bulletin de salaire joint en annexe énumérant les différents éléments de rémunération à laquelle cette somme se rapportait.

Il était rédigé ainsi : « Madame X reconnaît avoir reçu de la société … la somme de 3 872,20 € en paiement des salaires, des accessoires de salaire et de toute indemnité quels qu’en soient la nature et le montant qui lui sont dus au titre de l’exécution et de la cessation de son contrat de travail. Ces différents éléments sont détaillés en annexe du présent reçu pour solde de tout compte sur le duplicata du bulletin de paie »

L’argument de l’employeur est rejeté par la Chambre sociale de la Cour de cassation, énonçant qu’il résulte de l’article L 1234-20 du code du travail, d’une part, que l’employeur a l’obligation de faire l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, et d’autre part, que le reçu pour solde de tout compte n’a d’effet libératoire que pour les seules sommes qui y sont mentionnées, peu important le fait qu’il soit, par ailleurs, rédigé en des termes généraux.

Elle ajoute que le reçu pour solde de tout compte qui fait état d’une somme globale et renvoie pour le détail des sommes versées au bulletin de paie annexé n’a pas d’effet libératoire (Cass. Soc. 14 fév. 2018 n° 16-16617).

Pour que cet effet puisse être utilement invoqué par l’employeur, encore aurait-il fallu que les sommes versées à la salariée soient précisément énumérées.reçu pour solde de tout compte

2– Dans la seconde affaire, un salarié avait été mis à la retraite et avait signé un reçu pour solde de tout compte le 25 mars 2009.

Il avait saisi le Juge du contrat de travail, le 18 septembre 2009, avant l’expiration du délai de 6 mois, demandant la condamnation de l’employeur à lui payer une indemnité de mise à la retraite.

Le greffe du Conseil de Prud’hommes avait réceptionné cette lettre le 21 septembre 2009, soit toujours dans le délai de 6 mois.

La Cour d’appel, qui s’appuyait sur une position établie, avait jugé que la saisine du bureau de conciliation par le salarié produisait les effets d’une dénonciation, de sorte qu’il avait agi dans le délai qui lui était imparti.

La Chambre sociale de la Cour de cassation affirme au contraire que la dénonciation s’applique à condition que la convocation devant le bureau de conciliation ait été reçue par l’employeur avant l’expiration du délai de six mois (Cass. Soc. 7 mars 2018 n° 16-13194).

Solution paradoxale, alors que la Haute juridiction avait admis que la date de notification à retenir, en cas d’envoi par le salarié d’une lettre de dénonciation du reçu pour solde de tout compte, est celle de son expédition (Cass. Soc.16 mai 2000 n° 96-43218).

On ne peut s’empêcher de rapprocher cette décision d’une tendance manifeste, déjà constatée, de restreindre une fois encore l’action et les droits des salariés.

Il conviendra donc désormais que le salarié saisisse suffisamment tôt le Conseil de Prud’hommes, en intégrant le double aléa relatif à la date d’envoi par le greffe à l’employeur de la convocation à l’audience de conciliation, d’une part, ainsi qu’à celui de sa réception de cette convocation par l’employeur.

En tout état de cause, on ne saurait que trop conseiller aux salariés d’indiquer en caractère apparent sur le reçu pour solde de tout compte la mention «  sous réserve de mes droits », qui prive le reçu pour solde de tout compte de son effet libératoire (Cass. Soc. 20 nov. 2001 n° 99-44790, Cass. Soc. 26 fév. 1985 n° 82-42807).

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