Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Demander à être licencié ne constitue pas une faute

La Cour de cassation vient de se prononcer sur le caractère fautif ou non, pour un salarié, de demander à son employeur de le licencier.

Elle y répond en jugeant que « le seul fait pour un salarié de solliciter de son employeur la rupture de son contrat de travail ne constitue pas une faute » (Cass. soc. 2 juill. 2015 n° 14-13419).

En conséquence, l’employeur ne peut tirer argument de ce seul fait pour licencier un salarié pour faute, ce qui laisse néanmoins à entendre que ce grief, ajouté à d’autres, pourrait justifier un licenciement disciplinaire.

Reconnaissons qu’il n’est pas véritablement dans l’ordre des choses convenues qu’un salarié demande à son employeur de le licencier, dés lors qu’on se rappelle que le licenciement est un mode de rupture du contrat de travail qui constitue l’apanage exclusif de l’employeur.Demander à être licencié

Lorsque le salarié souhaite rompre son contrat de travail, la démission ou la rupture conventionnelle (sous réserve d’accord) sont les modes de rupture privilégiés, voire, lorsque les circonstances s’y prêtent, la prise d’acte ou la résiliation judiciaire.

Mais dans l’affaire commentée, le salarié avait un intérêt tout particulier à être licencié, ce qui explique qu’il ait pu se montrer insistant, au risque de s’attirer les foudres de son employeur.

Le salarié avait un intérêt particulier à être licencié…

L’intéressé, qui occupait un poste de cadre dirigeant au sein de l’entreprise qui l’employait, était en effet bénéficiaire d’une indemnité contractuelle de congédiement, si la rupture de son contrat de travail intervenait à l’initiative de l’employeur.

Cette « clause parachute », très avantageuse, n’était toutefois pas due en cas de licenciement pour faute grave ou lourde.

Pour se soustraire au paiement de cette indemnité, l’employeur avait licencié l’intéressé pour faute grave, au motif qu’il avait clairement exprimé, à plusieurs reprises, sa volonté d’être licencié afin de pouvoir s’occuper de projets personnels, alors qu’il pouvait démissionner.

La Cour d’appel avait requalifié le licenciement en « faute simple », condamnant l’employeur au paiement de l’indemnité contractuelle de licenciement et d’une indemnité compensatrice de préavis.

Les magistrats avaient cependant réduit le montant de cette « clause parachute », qu’ils estimaient excessif.

Cette possibilité leur est en effet accordée par le Code civil lorsque la clause s’analyse en une clause pénale, ce qu’ils avaient retenu en l’espèce.

La Cour de cassation censure en partie les Juges d’appel.

Statuant sur la qualification du licenciement, les Hauts magistrats jugent au contraire qu’aucune faute ne peut être reprochée au salarié pour s’être exprimé en sollicitant la rupture de son contrat de travail, de sorte que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Si le fait de solliciter un licenciement ne peut être considéré comme fautif, on objectera néanmoins que cette stratégie n’est pas nécessairement la plus adaptée à un départ sans heurt de l’entreprise, tant la réaction de l’employeur est prévisible.

Pour quelle raison serait il enclin à verser des indemnités de rupture à un salarié qui prend l’initiative de quitter l’entreprise pour des raisons de convenance personnelle, après avoir in fine avoué sa démotivation ?

En droit du travail, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, et l’expression sans fard de ses intentions n’est pas sans comporter de risque.

A méditer…

clause de non-concurrenceLe signataire de la lettre de licenciement
Durée de la protection après un congé maternité