Franc Muller – Avocat droit social, Paris

 

Le contexte

Certains salariés dont l’employeur souhaite s’attacher durablement les services bénéficient, lors de leur embauche ou au cours de leur relation de travail, de l’attribution de stock-options.

La vie en entreprise étant pleine d’imprévus (…), il peut arriver que ces salariés soient licenciés sans avoir été en mesure d’exercer leurs stock-options et d’empocher une éventuelle plus value.

Cette impossibilité résulte soit du fait qu’ils ne détiennent pas ces titres depuis une durée suffisamment longue pour pouvoir les lever, en application du plan qui en régit les conditions d’exercice, soit que le plan subordonne l’exercice de l’option à une condition de présence du salarié dans l’entreprise.

La rupture du contrat de travail avant qu’il puisse exercer leur option les prive donc d’une somme qui pouvait potentiellement se révéler importante.

Le recours à la juridiction prud’homale pour être indemnisé de la perte de chance

Les juridictions sont donc régulièrement saisies de demandes de salariés qui, outre la contestation de leur licenciement (ou de la requalification de leur prise d’acte en licenciement), réclament réparation du préjudice lié à la perte du gain qu’ils escomptaient s’ils avaient exercé leur option.

La Cour de cassation avait déjà jugé que la condition de présence prévue dans un plan de souscription d’action était licite (Cass. soc 2 février 2006 n° 03-47180).

En revanche, les Juges considèrent que la privation de la faculté de lever les options en cas de licenciement pour faute grave constitue une sanction pécuniaire prohibée qui ne pouvait être prévue par le plan de stock-options (Cass. soc 21 octobre 2009 n° 08-42026).

En tout état de cause, la privation de la faculté d’exercer ses options cause au salarié un préjudice qui s’apprécie habituellement au regard de la perte de chance de réaliser une plus value entre la valeur préférentielle d’achat et le prix éventuel de vente de ses stock-options.

Il faut en effet se reporter aux dispositions du Code civil pour trouver un fondement juridique à ces décisions.

L’article 1149 du Code civil prévoit que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.

Un arrêt mérite l’attention à cet égard

Un salarié licencié pour cause réelle et sérieuse contestait le bien-fondé de son licenciement et formait une demande au titre de la perte du droit d’exercer ses stock-options.

Les juges du fond ont reconnu que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, cependant, ils avaient rejeté sa seconde prétention, considérant d’une part, qu’il n’avait pas levé une partie de ses options avant la rupture de son contrat, alors qu’il était en mesure de le faire, d’autre part, qu’il ne faisait pas ressortir une évolution du prix de l’option ; en conséquence, la perte d’une chance de réaliser une plus value n’était pas démontrée.

Ce raisonnement est censuré par les Hauts magistrats qui jugent que son licenciement étant dénué de cause réelle et sérieuse, le salarié n’avait pu lever ses options sur titres et qu’il en était nécessairement résulté un préjudice (Cass. Soc 29 janvier 2013 n° 11-24406)

Le licenciement l’ayant empêché d’exercer son droit d’option, en raison des prescriptions du plan de souscription, le salarié avait de ce seul fait subi un préjudice pour ne pas avoir pu lever ses options, indépendamment du gain qu’il aurait pu escompter.

Cette décision s’inscrit dans la lignée d’un précédent arrêt, dans lequel la Chambre sociale de la Cour de cassation avait jugé : « dès lors qu’une clause d’un plan d’options d’achat d’actions prévoit la caducité des options en cas de licenciement du bénéficiaire, le salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse ne peut pas prétendre au maintien du bénéfice de l’option qui lui avait été consentie, mais seulement à l’indemnisation du préjudice subi » (Cass. soc. 1er déc. 2005 n° 04-41277).

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