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Affaire CONTINENTAL, suite et (presque) fin

Franc Muller – Avocat licenciement, Paris

 

Le contexte de l’affaire

L’affaire CONTINENTAL avait suscité une vive émotion après la fermeture du site de Clairoix (dans l’Oise) et le licenciement pour motif économique de l’ensemble des salariés qui y étaient affectés.

683 salariés avaient alors entrepris de contester leur congédiement, en soutenant deux arguments juridiques devant la juridiction prud’homale.

Ils invoquaient, d’une part, le fait que le motif économique allégué par l’employeur ne répondait pas aux exigences légales.

Ils ajoutaient en outre que la société mère, CONTINENTAL AG, avait pris une part active déterminante dans la fermeture de cet établissement, et qu’elle devait en conséquence être déclarée coemployeur au côté de l’employeur français et, partant, supporter les conséquences financières qui en résultaient pour les salariés.

La reconnaissance de CONTINENTAL AG comme coemployeur permettait en effet sa condamnation in solidum (solidaire) avec la filiale française et offrait ainsi aux salariés l’assurance d’obtenir un garant supplémentaire vers lequel faire exécuter la décision rendue.

L’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens

Par un arrêt du 30 septembre 2014, la Cour d’appel d’Amiens avait confirmé le jugement de première instance et fait droit à l’ensemble de l’argumentation des salariés, jugeant que leur licenciement était sans cause réelle et sérieuse, et condamnant in solidum les sociétés CONTINENTAL FRANCE et CONTINENTAL AG au paiement de dommages intérêts liés à la rupture des contrats de travail.

Leur victoire était ainsi complète !

L’employeur avait cependant formé un pourvoi en cassation, sur lequel la Chambre sociale vient de se prononcer (Cass. Soc. 6 juillet 2016 n° 14-27266).

L’arrêt de la Cour de cassation

Cette décision est en demi-teinte.

La Haute juridiction confirme en premier lieu l’appréciation formée par la Cour d’appel relativement à la cause économique de licenciement, jugeant que :

La société Continental France ne justifiait ni de difficultés économiques, ni d’une menace pesant sur la compétitivité du secteur d’activité de la division  » Passenger and Light Truck Tire  » du groupe Continental auquel elle appartenait, et que la mesure de réorganisation constituée par la fermeture de l’établissement de Clairoix et la suppression de l’ensemble des emplois ne répondait qu’à un souci de rentabilité du secteur pneumatique du groupe.

En revanche, elle ne retient pas la qualité de coemployeur de la société CONTINENTAL AG, estimant que les conditions ne sont pas réunies :

Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l’égard du personnel employé par une autre que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

En statuant comme elle l’a fait, alors que le fait que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur l’activité économique et sociale de sa filiale, et que la société mère ait pris dans le cadre de cette politique des décisions affectant le devenir de sa filiale et se soit engagée à garantir l’exécution des obligations de sa filiale liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois ne pouvaient suffire à caractériser une situation de coemploi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

La décision de la Haute Cour paraît plus critiquable sur ce point.

Elle est le reflet de la position intransigeante exprimée dernièrement par la Chambre sociale s’agissant de la qualification du coemploi.

On regrettera que la création prétorienne de coemploi, qui reflète une réalité dans de nombreux groupe de dimension internationale, soit très souvent bridée par une jurisprudence restrictive de la Cour de cassation.