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Actions, stock-options, BSPCE…: obtenir une indemnisation après la rupture du contrat de travail

Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Stocks options, actions gratuites, bons de souscriptions d’actions, RSU et autres…

Les entreprises disposent d’une palette d’avantages pour attirer ou retenir les salariés occupant des postes à responsabilité dont elles souhaitent s’attacher les services (actions gratuites ou à prix préférentiel, bons de souscription d’action, stocks options…).

Ces avantages, dont le bénéfice s’inscrit dans le temps, représentent souvent un gain financier important et motivant pour celui auxquels ils sont accordés.

Or, si les employeurs savent se montrer généreux et imaginatifs lors de leur attribution, force est de constater que tous les moyens leur sont bons pour éviter d’honorer les engagements qui avaient été pris lorsque l’intéressé est tombé en disgrâce.

La très grande majorité des plans prévoyant leur attribution précisent qu’en cas de rupture du contrat de travail, quel qu’en soit le motif, les titres dont l’allocation n’est pas acquise à la date de rupture sont perdus.

Faute de parvenir à négocier une indemnisation, l’intéressé devra se tourner vers la juridiction prud’homale pour tenter de l’obtenir.

La compétence de la juridiction prud’homale

Le fait d’acquérir des actions confère également au salarié la qualité d’actionnaire de la société dont il détient ces titres.

Cette circonstance a-t-elle pour effet de soustraire le litige l’opposant à son employeur, portant entre autres sur l’indemnisation de la privation de ces actions, à la compétence du Conseil de Prud’hommes ?

L’argument a évidemment été soutenu par certains employeurs, jamais en manque d’imagination pour éviter de payer de leur créance.

Selon les termes de l’article L 1411-1 du Code du travail, le Conseil de Prud’hommes règle les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail.

La Chambre sociale de la Cour de cassation en a déduit en conséquence que :

« Si les différends pouvant s’élever dans les relations entre la société et le salarié devenu actionnaire, indépendamment des conditions d’acquisition de ses actions, sont de la compétence de la juridiction commerciale, l’octroi par l’employeur à un salarié d’une option donnant droit à une souscription d’actions et à l’attribution gratuite d’actions constitue un accessoire du contrat de travail dont la connaissance relève du conseil de prud’hommes » (Cass. Soc. 27 fév. 2013 n° 11-27319)

Ainsi, les relations entre l’actionnaire (salarié) et la société relèvent du Tribunal de Commerce.

En revanche, les litiges liés à l’acquisition par le salarié, et à leur condition d’octroi par l’employeur, de stocks options, actions gratuites et autresdans le cadre de sa relation de travail, sont bien de la compétence du Conseil de Prud’hommes.

Rachat forcé de bons de souscription d’actions et compétence prud’homale

Le salarié qui, du fait de son licenciement, se trouve contraint de céder ses actions, souvent à vil prix imposé par l’employeur, est ainsi fondé à se tourner vers la juridiction prud’homale pour obtenir réparation du préjudice qu’il subit du fait des circonstances de cette cession.quelle juridiction compétente en cas de litige sur l'attribution d'actions à un salarié

Cette solution a été affirmée par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. Soc. 9 juill. 2008 n° 06-45800).

Elle vient à nouveau de se prononcer sur la situation d’une salariée, bénéficiaire de bons de souscriptions d’actions (BSA), qui du fait d’un pacte d’actionnaire qu’elle avait souscrit, se les étaient fait racheter par la société avec une forte décote à la suite de la rupture de son contrat de travail.

La salariée s’était tournée vers la Juge du contrat de travail pour obtenir l’indemnisation de son préjudice.

La Cour d’appel l’en avait déboutée, estimant que la clause de rachat forcé d’actions n’était pas un accessoire du contrat de travail mais était insérée dans un pacte d’actionnaires distinct portant sur des actions de la société, de sorte que la question de sa validité relevait exclusivement de la juridiction commerciale.

Cette interprétation est balayée par la Cour régulatrice, qui confirme sa position.

« Le Juge prud’homal demeure compétent pour connaître, fût-ce par voie d’exception, d’une demande en réparation du préjudice subi par un salarié au titre de la mise en œuvre d’un pacte d’actionnaires prévoyant en cas de licenciement d’un salarié la cession immédiate de ses actions » (Cass. Soc. 7 juin 2023 n° 21-24514).

Quelle indemnisation pour le salarié lésé ?

Le salarié privé du gain important que lui auraient procuré ses actions, stock-options, BSA… s’il les avait conservés, ne peut malheureusement pas espérer du Juge qu’il contraigne l’employeur à les maintenir après la rupture du contrat de travail.

Les clauses subordonnant leur octroi à la présence du salarié lors de la date d’exercice de ces actions ou options d’actions sont considérées comme licites.

En revanche, le salarié dont le licenciement a été jugé injustifié, et qui n’a pu exercer ses titres a subi un préjudice qui doit être réparé (Cass. Soc. 29 sept. 2004 n° 02-40027).

Plus encore, la Cour de cassation énonce que le salarié qui n’a pu, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, lever les options sur titres en subit nécessairement un préjudice qui devait être réparé (Cass. soc. 14 oct. 2009 n° 08-40531).

Cette décision doit cependant être relativisée compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation sur l’appréciation du préjudice.

Celui-ci est analysé au regard de la perte de chance qu’il occasionne, son quantum étant évalué par les juges du fond, pas forcément à sa juste mesure (les déconvenues ne sont pas rares à cet égard).

En outre, et ainsi qu’il a été exposé, les conditions particulières de cession de ses actions en raison de la perte de sa qualité de salarié, du fait de la rupture du contrat de travail, ouvrent également droit à réparation.