Par Franc Muller – avocat droit du travail, Paris

 

Un salarié peut-il utiliser le véhicule de fonction mis à sa disposition par son employeur pour faire du covoiturage ?

Si, dans une affaire à fort retentissement médiatique, la Cour d’appel de Rennes, infirmant le jugement du Conseil de Prud’hommes de Nantes, a jugé que le licenciement pour faute d’un salarié était justifié, cette décision tient compte des circonstances de l’espèce et n’a pas pour autant vocation à constituer une règle générale applicable à toute autre situation.

Un salarié, basé à Bordereaux, était amené à effectuer de fréquents déplacements professionnels au siège de son entreprise, située près de Nantes.

Il réalisait ces déplacements avec le véhicule de fonction que l’employeur lui avait été attribué, étant précisé qu’un véhicule de fonction, souvent prévu dans le contrat de travail, peut être utilisé par le salarié à des fins personnelles.

Joignant l’utile à l’agréable, l’intéressé s’était inscrit sur le site de covoiturage BlaBlaCar, et avait profité de ces déplacements professionnels pour transporter des passagers contre rétribution, sans en avoir informé son employeur.

Le salarié percevait une rémunération qu’il reversait à des associations

Celui-ci prenait donc à sa charge les frais d’essence et d’autoroute, tandis que le salarié percevait une rémunération versée par les personnes transportées.avocat droit du travail

L’employeur ayant découvert le pot aux roses l’avait licencié pour faute, lui reprochant d’avoir agi à son insu et d’avoir tiré un bénéfice de ces voyages, effectués à titre onéreux, alors en outre que son véhicule n’était pas assuré pour un tel usage.

Le Conseil de Prud’hommes de Nantes, saisi du litige par le salarié qui contestait le bienfondé de son licenciement, l’avait estimé injustifié et avait condamné l’employeur au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Tout en reconnaissant ces agissements fautifs, le Juge prud’homal avait retenu que le salarié reversait ses gains à des associations caritatives et que la sanction prise était disproportionnée.

Le salarié comme l’employeur avaient relevé appel du jugement, le salarié soutenant au surplus qu’il bénéficiait du statut de salarié protégé, s’étant porté candidat aux élections du Comité d’entreprise avant d’être licencié, et l’employeur ayant connaissance de l’imminence de sa candidature, de sorte que son licenciement était nul.

La Cour d’appel de Rennes, par un arrêt du 31 août 2018, réforme la décision et juge que le licenciement était justifié.

Un licenciement validé par la Cour d’appel

Elle retient que, contrairement aux dires du salarié, il avait nécessairement réalisé des bénéfices financiers de ces opérations et que les transports auxquels il se livrait exposaient l’employeur, pour lequel cette utilisation du véhicule n’était pas prévue, à un risque en raison de son défaut d’assurance.

Si la potion est amère pour un salarié qui aurait agi de bonne foi et animé par des considérations désintéressées, la question de la loyauté à l’égard de l’employeur reste néanmoins en suspens.

On peut hasarder que si le salarié, en mal de communication pendant la durée de ces trajets, avait préalablement interrogé son employeur sur la possibilité de se livrer à de tels transports et offert de lui reverser le bénéfice réalisé, et que l’employeur avait accédé à cette demande, le Juge prud’homal n’aurait évidemment pas eu à connaitre d’une telle affaire.

Il en aurait été de même si une telle pratique était autorisée par le contrat de travail de l’intéressé, par le règlement intérieur de l’entreprise, voire par une note de service.

Il serait donc hâtif de considérer que tout covoiturage effectué avec un véhicule de fonction est strictement interdit.

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