Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

Une protection légale

Les salariés investis de fonctions représentatives du personnel bénéficient dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentant d’une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit à l’employeur de les licencier sans avoir obtenu préalablement l’autorisation de l’inspecteur du travail (arrêts Perrier, chb. Mixte, 21 juin 1974 n° 71-91225).

La durée de cette protection, d’ordre public, qui vise à les prémunir d’une décision arbitraire de l’employeur, s’applique pendant toute la durée de leur mandat, et quelques mois au-delà.

C’est ainsi notamment que pour les salariés membres élus de la délégation du personnel au Comité Social et Économique (ancien DP), la protection expire six mois après le terme de leur mandat électif (article L 2411-5 du Code du travail), tandis que la protection des délégués syndicaux ayant exercé leurs fonctions pendant au moins un an est d’une durée de douze mois suivant la date de cessation de leurs fonctions (article L 2411-3 du Code du travail).

L’employeur qui s’aventurerait à méconnaitre ces dispositions et à licencier un salarié protégé sans avoir préalablement obtenu l’autorisation de l’inspecteur du travail s’expose à voir ce licenciement annulé, et en conséquence à devoir procéder à la réintégration dans l’entreprise du salarié illégalement licencié, s’il la demande.

Quelle date limite à une demande d’autorisation de licenciement ?

Mais où se situe la date limite à laquelle l’autorisation de licenciement de l’inspecteur du travail doit être demandée, lorsque l’employeur engage une procédure de licenciement à l’égard d’un salarié protégé ?

La Chambre sociale de la Cour de cassation vient de juger, au diapason du Conseil d’État (C.E 23 nov. 2016, n° 392059), que l’autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement.

Un délégué du personnel avait été élu le 5 novembre 2009 pour une durée de quatre ans, de sorte qu’il bénéficiait de la protection légale jusqu’au 5 mai 2014, six mois après le terme de son mandat.

Or, l’employeur le convoque le 28 avril 2014 à un entretien préalable fixé au 9 mai 2014, estimant qu’à cette date l’autorisation de l’inspecteur du travail n’était plus nécessaire.

Le motif de licenciement reposait sur plusieurs manquements, certains ayant été commis pendant la période de protection, d’autres postérieurement à celle-ci (après le 5 mai 2014), cette circonstance rendant, d’après lui, inutile l’autorisation administrative de licenciement.

La Cour d’appel avait accueilli l’argument de l’employeur et estimé que l’autorisation n’avait effectivement pas à être demandée dès lors que le licenciement était justifié par des faits postérieurs à la période de protection.

Peu important que les faits énoncés dans la lettre de licenciement soient postérieurs au terme de la période de protection

La chambre sociale de la Cour de cassation la désapprouve et juge au contraire que l’autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement ; qu’est irrégulier le licenciement, sans autorisation de l’inspecteur du travail, du salarié convoqué à l’entretien préalable avant le terme de la période de protection, peu important que l’employeur dans la lettre de licenciement retienne par ailleurs des faits commis postérieurement à l’expiration de la période de protection (Cass. Soc. 23 oct. 2019 n° 18-16057).

Dans une précédente décision, la Haute juridiction avait déjà jugé que l’employeur est tenu de demander l’autorisation administrative de licencier un salarié lorsque ce dernier bénéficie du statut protecteur à la date de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement, peu important que le courrier prononçant le licenciement soit envoyé postérieurement à l’expiration de la période de protection (Cass. Soc. 26 mars 2013 n° 11-27964).

On retiendra donc que si l’employeur veut engager une procédure de licenciement à l’égard d’un salarié protégé et que la convocation à l’entretien préalable lui est adressée à une date à laquelle la durée de protection n’a pas encore expiré, peu important que le licenciement soit notifié postérieurement à cette date, l’autorisation de l’inspecteur du travail est indispensable.

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