Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris

 

L’employeur peut-il valablement déduire de la rémunération variable d’un salarié le montant des charges sociales relatives au salaire qu’il lui verse ?

Il arrive que le contrat de travail d’un salarié stipule que sa rémunération variable sera constituée d’un certain pourcentage de la marge nette dégagée par l’employeur.

La marge nette est déterminée après déduction par l’employeur de différentes charges qu’il supporte.

L’article L 241-8 du Code de la sécurité sociale prévoit que « la contribution de l’employeur reste exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit ».

Ces dispositions sont-elles donc de nature à interdire une clause du contrat de travail fixant la rémunération variable du salarié déduction faite des cotisations sociales payées par l’employeur ?

La règle applicable

Interprétant ce texte, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait dégagé le principe suivant : « la clause contractuelle, selon laquelle les commissions revenant au salarié étaient diminuées du montant des cotisations sociales patronales, est nulle » (Cass. Soc. 17 oct. 2000 n° 98-45669).

Il s’agissait en l’espèce d’un salarié dont le contrat de travail prévoyait que sa rémunération serait déterminée par le solde d’un compte comprenant, en crédit, plusieurs postes au titre de son apport à l’activité de l’entreprise et, en débit, les dépenses en résultant, parmi lesquelles figurait la totalité des charges versées par l’employeur sur sa rémunération.

Ce mode de calcul avait donc été jugé illicite.paiement bonus

La Haute juridiction appliquait il y a peu encore le même raisonnement à une salariée dont le contrat de travail prévoyait une rémunération variable représentant 2 % du résultat avant impôt de l’exercice de la société.

Elle avait jugé, sur le fondement de l’article L 241-8 du Code de la sécurité sociale, que la base de calcul de la rémunération variable de la salariée méconnaissait l’exigence selon laquelle les cotisations sociales dues par l’employeur restent exclusivement à sa charge.

De sorte que l’employeur devait réintégrer le montant des cotisations patronales de sécurité sociale dans l’assiette de calcul de la rémunération variable (Cass. Soc. 5 juill. 2017 n° 16-13042).

La Cour de cassation vient toutefois de revenir en partie sur cette jurisprudence

L’affaire qui lui était soumise concernait un salarié dont le contrat de travail mentionnait, qu’outre un salaire brut mensuel forfaitaire, il bénéficierait d’une commission de 20 % de la marge nette réalisée sur son secteur.

La marge nette étant obtenue par la déduction de la marge brute des frais de voiture, téléphone, restaurant, péage, exposés par le salarié, ainsi que d’un forfait au titre des charges sociales.

A priori, une telle rédaction n’avait pas les faveurs des Hauts magistrats.

Pourtant, ils valident la clause litigieuse.

Dans la notice explicative qui accompagne leur décision, ils précisent l’évolution de leur position.

La Chambre sociale de la Cour de cassation considère en effet que la prohibition de l’article L 241-8 du code de la sécurité sociale ne porte que sur les modalités de paiement de la rémunération et pas sur sa détermination.

Elle expose ainsi que les parties peuvent, pour des raisons qui leur appartiennent, parfaitement exclure les cotisations sociales patronales de l’assiette de calcul, sans que cela remette en cause le paiement par l’employeur des cotisations patronales dues sur le montant de la rémunération revenant effectivement au salarié.

Nullité de plein droit des clauses du contrat de travail déduisant les cotisations sociales dues par l’employeur

En conséquence, ils rappellent dans cet arrêt que, sont nulles de plein droit les dispositions d’un contrat de travail en vertu desquelles la rémunération variable d’un salarié est déterminée déduction faite des cotisations sociales à la charge de l’employeur.

Avant d’ajouter, « toutefois, s’agissant de la détermination de l’assiette de la rémunération variable, de telles dispositions contractuelles n’ont pas pour effet de faire peser sur le salarié la charge des cotisations patronales. Il en résulte qu’il y a lieu de juger désormais que la détermination de l’assiette de la rémunération variable ne relève pas de la prohibition de l’article L 241-8 du code de la sécurité sociale qui ne concerne que le paiement des cotisations sociales » (Cass. Soc. 27 janv. 2021 n° 17-31046).

Rappelons, en conclusion, que les conditions de validité de la rémunération variable restent en tout état de cause subordonnées à l’existence d’éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur, et à ce que la clause ne fasse pas porter le risque d’entreprise sur le salarié (Cass. Soc. 2 juill. 2002 n° 00-13111).

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